CADRE AVERTI
SMS, Chat, messagerie : les salariés doivent être particulièrement vigilants dans leurs écrits
Publié leLes technologies de l’information et de la communication (TIC) libèrent le salarié de l'unité de temps, de lieu et d'action, mais donnent aussi de meilleurs outils de surveillance pour l’employeur. Les salariés doivent être particulièrement vigilants quand ils utilisent les outils de l’entreprise car il n’est pas toujours facile de distinguer les conversations privées des messages professionnels sur ces outils.
Proportionnalité des moyens de contrôle
Le pouvoir de contrôle permet à l’employeur de surveiller la qualité du travail fourni, d’évaluer la prestation du salarié, mais à condition que les procédés utilisés ne soient pas clandestins et disproportionnés. Les nouveaux moyens d’échanges facilitent les communications à distance mais multiplient aussi les moyens de contrôle de l’employeur au travers des outils informatiques mis à la disposition du salarié avec le risque de porter atteinte à sa vie personnelle. C’est d’autant plus vrai lorsque le salarié travaille à son domicile. Dès lors comment s’assurer de la proportionnalité des moyens de contrôle ?
SMS, Chat, messagerie peuvent constituer des moyens de preuves
L’exigence de loyauté dans l’administration de la preuve interdit d’opposer à une personne une preuve obtenue à son insu. Si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS, dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur. Les SMS, comme les courriels, et les messages échangés sur les messageries instantanées sont des preuves utilisables en justice parce qu’elles ont été obtenues d’une façon « loyale » par celui qui les utilise (Cass soc, 23 mai 2007, 06-43.209, Publié au bulletin). Ils ont été rédigés et mis en circulation volontairement par celui qui les a émises, l’auteur a par avance admis qu’il utilisait un mode de communication susceptible d’être conservé et ensuite utilisé par le destinataire.
Il faut aussi se méfier des messages vocaux
La Cour de cassation a également statué sur la validité des messages vocaux laissés par l’employeur dans la messagerie du téléphone de son salarié (Cass soc, 6 février 2013, 11-23.738, Publié au bulletin). Elle a jugé que ces messages sont des moyens de preuve, pour la même raison que celle qui l’a conduite à admettre les SMS : « l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur ». Le salarié pouvait donc conserver les messages et les utiliser ensuite à titre de preuve. Cette jurisprudence s’applique de façon réciproque pour les salariés qui laissent des messages sur répondeur soit à l’employeur soit à des collègues de travail qui pourront en faire état.
Le titrage « privé » des messages n’est pas toujours possible
En indiquant la mention « privée » ou « personnelle », le salarié détruit la présomption simple de caractère professionnel. « Sauf risque ou événement particulier », l'ouverture ne pourra intervenir « qu'en sa présence, ou s'il a été dûment appelé » (Cass. soc, 17 juin 2009, 08-40.274, Publié au bulletin). Mais qu’en est t-il des messages qui ne peuvent pas être ainsi titrés ? Selon un arrêt de la Cour de Cassation du 10 février 2015 (13-14.779) : « Les messages écrits (short message service ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l'employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l'intéressé, sauf s'ils sont identifiés comme étant personnels ». Le problème avec les SMS c’est que le titrage « privé », habituel pour les courriels et dossiers, est ici souvent impossible à défaut d'un champ « objet ». Le collaborateur ne peut donc écrire ce terme qu'en tête de son SMS, ce qui est très loin des usages et des logiques propres à ces outils.
C’est effrayant, mais l’interprétation de la jurisprudence invite les salariés à se méfier de tous les échanges spontanés susceptibles d’être enregistrés par leur employeur. Si on souhaite faire une blague à ses collègues (ou porter des appréciations négatives sur son travail), le salarié devra interrompre le chat et décrocher son téléphone. En définitive, comme le souligne le Professeur Jean-Emmanuel Ray, « Un salarié doit donc avoir un QI numérique minimum, et ne pas laisser ses « empreintes digitales » partout. Qu'il s'agisse de SMS, de courriels ou de connexions Internet, l'insertion d'éléments de sa vie personnelle dans des outils professionnels est d'abord une bien mauvaise idée ».
À propos de Cadre Averti
Conçu par Françoise
de Saint Sernin, avocate spécialisée dans la défense des
intérêts des cadres et dirigeants au sein du cabinet saintsernin-avocats.fr,
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