Safari meurtrier : un salarié peut-il être licencié à cause de photos personnelles sur Internet ?
Publié leDes photos d’un couple posant près d’un léopard, un rhinocéros et un lion tués lors d’un Safari en 2015 ont circulé sur Internet, et leur ont coûté leur emploi. Des internautes ont tenté de défendre les gérants de l’enseigne Super U en dénonçant un « procès public » à partir d’actes réalisés « dans la vie privée ». Au-delà de la bêtise, cette affaire questionne sur la porosité entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Un directeur de magasin participant à une chasse aux lions en Afrique et qui partage les photos sur Internet pourrait-il être licencié pour faute ?
En principe, chacun a le droit de choisir son mode de vie !
L’article 9 du Code civil assure à chacun le droit au respect de sa vie privée. Par conséquent, la vie personnelle du salarié ne peut être considérée comme un motif légitime de licenciement. Même diffusés publiquement, les propos tenus sur les réseaux sociaux relèvent également de la vie privée et de la liberté d’expression du salarié. Ils ne peuvent donc pas être pris en compte. Selon la convention européenne des Droits de l’Homme, la liberté d’expression est en effet un principe fondamental qui s’applique notamment dans le monde du travail. Le salarié doit cependant être prudent. Selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, certains faits issus de la vie personnelle peuvent justifier le licenciement dans les cas où : les faits reprochés aux salariés constituent un manquement à ses obligations contractuelles ; les faits reprochés causent un trouble objectif caractérisé au sein de l’entreprise.
Mais, un trouble caractérisé peut justifier le licenciement non disciplinaire
Ainsi, un salarié ne peut pas être sanctionné pour des actes tirés de sa vie personnelle… sauf si cela caractérise un trouble objectif au sein de l’entreprise. La Cour de cassation estime en effet qu’il peut être procédé à un licenciement pour une cause tirée de la vie privée du salarié si le comportement de celui-ci, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière » (Cass. soc., 22 janv. 1992, n°90-42.517). Les remous occasionnés au sein d'une radio de l'audiovisuel public par la publication d'un livre controversé peuvent fonder un licenciement, mais sans que la rupture du contrat de travail revête un caractère disciplinaire (Cass. soc., 9 mars 2011, n°09-42.150). Le licenciement interviendra donc pour cause réelle et sérieuse, en raison du trouble objectif causé à l’entreprise. La distinction entre « vie personnelle et vie professionnelle » est ainsi beaucoup moins étanche que l’expression ne le laisse penser.
Une obligation renforcée pour certaines professions
Même en dehors du temps et du lieu de travail, le salarié reste soumis à certaines obligations envers son employeur. Certains salariés doivent être encore plus prudents que les autres car ils sont soumis à une obligation particulière de probité dans le cadre de leur travail. L'employeur peut alors procéder au licenciement pour faute du salarié si les faits commis hors du temps et du lieu de travail se rattachent, à sa vie professionnelle ou caractérisent un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail (Cass. soc. 3 mai 2011 n° 09-67.464). « Dès lors, une cour d'appel, qui a relevé qu'un salarié cadre commercial dans une banque et tenu, à ce titre, d'une obligation particulière de probité, à laquelle il avait manqué en étant poursuivi pour des délits reconnus d'atteinte à la propriété d'autrui, a pu décider que ces faits, qui avaient créé un trouble caractérisé au sein de l'entreprise, rendaient impossible la poursuite du contrat de travail et constituaient une faute grave » (Cass. soc. 25 mai 2006 n° 04-44.918).
En définitive, si le respect de la vie privée assuré par l’article 9 du Code civil permet de protéger les salariés, ces derniers doivent être prudents en particulier sur Internet. Les atteintes à l’image ou à la réputation de l’entreprise ou encore les manquements à une obligation contractuelle légitime pourront permettre à l’employeur de s’immiscer dans la vie personnelle du salarié et de procéder à son licenciement.