Réforme de l'assurance chômage : encore une mauvaise nouvelle pour les cadres ! Interview de Rémy Giemza

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Réforme de l'assurance chômage : encore une mauvaise nouvelle pour les cadres ! Interview de Rémy Giemza

Le second volet de la réforme de l'assurance chômage introduit un nouveau mode de calcul de l'allocation chômage. Alors que de nombreux demandeurs d’emplois risquent de voir leurs droits diminuer, Cadre Averti interroge cette semaine Rémy Giemza, spécialiste des questions d’indemnisation chômage. 

Cadre Averti - Qui est concerné par la réforme ? 

Rémy Giemza :  Tout le monde ! Le second volet de la réforme de l’assurance-chômage étant entré en vigueur vendredi 1er octobre dernier, désormais toutes les personnes qui connaissent une fin de contrat de travail à compter de cette date sont concernées par la réforme (sauf si une procédure de licenciement a été engagée avant la réforme, auquel cas la loi ancienne continue de s’appliquer).

Cependant, nous sommes face à un feuilleton juridico-politique qui n’est pas terminé. Vendredi 22 octobre 2021, le Conseil d’État a validé un décret passé en force par le Gouvernement mais d’autres recours sont en cours et un jugement sur le fond est encore attendu.

Il n’en résulte pas moins que les premières ouvertures de droits de ce chômage modifié sont prononcées en ce moment même par Pôle emploi pour impacter plus d’un million de personnes à terme selon l’Unedic. 

Cadre Averti - Malgré le niveau toujours haut du chômage en France et en dépit des perspectives moroses pour de nombreuses catégories de salariés, les droits des chômeurs sont révisés à la baisse. Est-ce le bon moment pour réformer l’assurance chômage en France ? 

Rémy Giemza : Rappelons d’abord un point important. En France, pays de la statistique, il existe une institution qui répertorie le nombre de personnes sans activité qui s’inscrivent à Pôle emploi. Cette institution s’appelle la DARES (Direction de l’Animation de la Recherche, des Études Statistiques).

Le constat que l’on peut faire des chiffres de la DARES est effarant. Au 31 août dernier, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi « sans aucune activité » était de plus de 3 millions de personnes, exactement comme au 31 janvier 1996, date de début de la statistique ! Ainsi et contrairement à l’encensement de la presse qui a largement relayé ces derniers mois une embellie sur l’emploi, à ce jour, le Gouvernement ne fait pas mieux que ses prédécesseurs.

En réalité, l’embellie sur l’emploi n’est qu’un trompe-l’œil car nous avions atteint un pic de plus de 4 millions de chômeurs en avril 2020, aux moments les plus sombres de la crise du Covid. Par conséquent, il faut se méfier des effets d’annonce car la très forte croissance des emplois actuelle n’est qu’un rééquilibrage post crise. Aujourd’hui encore, la France reste le pays qui compte plus de 3 millions de chômeurs.

Aussi, dans la mesure où les journalistes pigistes - employés de niveau cadre – seront les plus impactés par les nouveaux calculs du chômage, on peut s’émouvoir du très grand désintérêt sur ce sujet qui n’est pas creusé.

En somme, alors que les effets de la crise sanitaire aboutissent à une inflation de plus de 2% cette année selon l’Insee et que les prix de nombreux produits de première nécessité flambent (explosion des prix de l’essence et du gaz par exemple), cette réforme est vraiment très mal venue.  

Cadre Averti - Comment fonctionnera la dégressivité des allocations chômage ?  N’est-il pas plus opportun dans certains cas de refuser une augmentation de salaire ? Comment sera pris en compte le salaire de référence ? 

Rémy Giemza :  Il ne faut jamais renoncer à une augmentation de salaire ! La négociation d’une rémunération doit se faire dans la perspective de rester dans l’entreprise et non pas d’envisager le pire. Néanmoins et comme le dénoncent systématiquement l’ensemble des organisations syndicales, la réforme de l’assurance-chômage aboutit à une très forte discrimination.

Dès lors qu’un salarié aura plus de 4.500€ de salaire brut par mois et moins de 57 ans à la fin de son contrat de travail, les allocations seront réduites de 30% au bout de 6 mois pour les ruptures de contrats intervenues après le 1er octobre 2021 (8 mois pour les ruptures intervenues précédemment). Ainsi, un cadre dirigeant bénéficiant d’une rémunération brute mensuelle de 10.000€ percevra un chômage d’environ 5.000€ nets par mois (avant prélèvements sociaux et fiscaux) puis 3.500€ nets pour le reste de sa couverture chômage. Cette situation est profondément injuste au regard des cotisations payées.

Mais la grande révolution qui entre en vigueur aujourd’hui vise à prendre en compte les salaires des 24 derniers mois qui précèdent la fin de contrat de travail et même des 36 mois pour les salariés involontairement privés d'emploi âgés de 53 ans et plus. Pire encore, les périodes d’absence d’emploi pendant cette durée compteront désormais dans les calculs, condamnant ainsi tous ceux qui cumulent des contrats courts.

Selon l’Unedic, à cotisations égales, le revenu de substitution servi par Pôle emploi créera un écart de plus de 40% entre les demandeurs d’emploi. Un cadre en CDI avec une rémunération constante aura accès à un chômage globalement « stable » (mais potentiellement dégressif dès lors qu’il dépasse le nouveau plafond). En revanche, un cadre sénior qui ne parviendra pas à trouver un CDI et qui n’effectuera que des missions de courte durée verra ses allocations drastiquement réduites. Cette discrimination est particulièrement dénoncée devant le Conseil d’État. Mais le véritable séisme social vient du nouveau calcul du salaire de référence. Traditionnellement, le chômage en France était calculé sur la base des 12 dernières rémunérations. Ainsi, le plus souvent, seule la dernière année de travail était prise en compte pour calculer le montant des allocations.

Cadre Averti - Les nouvelles règles de calcul des allocations ont déjà été dénoncées par le Conseil d’État. Pourquoi cette réforme est particulièrement injuste pour les cadres ?

Rémy Giemza : On ne le soulignera jamais assez mais la France n’offre pas un système social généreux. Nous payons énormément de charges pour que ce système existe et pour qu’il nous protège en cas de nécessité. À ce sujet, les Urssaf disposent d’un simulateur sidérant. Un dirigeant célibataire, sans enfants à charge, ni réductions fiscales, qui gagne 10.000€ bruts par mois supportera après les cotisations employeurs, salariales et diverses autres retenues environ 100.000€ de charges et d’impôts… par an ! Soit un million d'euros de charges et d'impôts en 10 années… Une fois au chômage, ce même Cadre aura droit à environ 5.000€ par mois pendant 6 ou 8 mois puis 3.500€ pour le reste de sa couverture chômage pour reprendre mon exemple précédant.

En somme, la punition sera triple pour les cadres que l’on appelle pudiquement « permittents ».

En effet, un cadre sénior qui ne trouve pas de CDI et qui cumule des contrats courts aura potentiellement droit à 6 mois d’allocations à taux plein, puis une dégressivité qui pourra perdurer jusqu’à sa retraite.

L’Histoire retiendra que ce Gouvernement aura été le premier à réduire à ce point notre système de protection sociale.

Par ailleurs, la dégressivité est une mesure totalement déconnectée de la réalité du marché du travail car un cadre dirigeant effectue jusqu’à 8 entretiens avant de décrocher un poste et la période d’essai de 8 mois est devenue un standard ces dernières années. Là encore, un fait récurrent semble avoir totalement échappé au Gouvernement.

Plus une entreprise dépense de l’argent dans les salaires et plus elle sera prudente dans ses modes de recrutement. Résultat, un cadre dirigeant n’est pas en vacances avec ses allocations chômage mais mettra plus de temps pour retrouver un poste qui est par ailleurs plus rare sur le marché du travail.

Sur le fond, personne ne peut sérieusement contester la grande intelligence du Président de la République. Pourtant, il semble persister dans son erreur en pensant que le chômage est un choix alors qu’il est subit.

Quelles autres pistes pourraient être exploitées pour réformer efficacement l’assurance-chômage ?

Rémy Giemza :

J’ai songé à 3 pistes.

Tout d’abord, il serait utile de déplafonner (ou tout au moins d’augmenter les plafonds) des cotisations à l’assurance-chômage. Rappelons-le, les cadres dirigeants contribuent au financement du chômage pour plus de 40% alors qu’ils n’en utilisent qu’un pourcentage résiduel. Par ailleurs, la cotisation maximale à l’assurance chômage est actuellement d’environ 570€ par mois. Faire passer cette cotisation à 1.000€ par mois par exemple serait indolore pour les entreprises alors qu’il s’agit de salariés rémunérés à plusieurs centaines de milliers d’euros par an. Augmenter la cotisation à l’assurance chômage, ne serait-ce que pour les hauts salaires, aurait un impact quasi-neutre sur les entreprises et permettrait de mettre les comptes de l’assurance chômage au vert.

Ensuite, s’agissant de la dégressivité, il existe un dispositif spécial qui permet de verser une allocation intéressante à certaines catégories de demandeurs d’emploi. L’allocation versée dans le cadre d’un contrat de sécurisation professionnelle (ASP) offre en effet une allocation correspondant à 75% du salaire brut alors que l’allocation chômage la plus souvent versée (l’ARE) correspond à 57% de ce même salaire. L’ASP n’est versée que pour une courte durée (un an tout au plus) et les performances en matière de retour à l’emploi sont telles que le Gouvernement a maintenu ce dispositif. Pourquoi ne pas s’inspirer de ce modèle qui a fait ses preuves pour offrir une allocation plus généreuse pendant quelques mois pour l’abaisser par la suite ?

Enfin, il faut réformer l’indemnisation des chômeurs au niveau européen. Actuellement, un salarié qui a travaillé dans l’un des 27 pays de l’Union européenne, ne doit travailler qu’une seule journée (voir une seule heure théoriquement) à son retour en France pour bénéficier d’un chômage pouvant aller jusqu’à 3 ans ! La France perd ainsi plusieurs centaines de millions d’euros par an pour indemniser ceux que l’on appelle les travailleurs frontaliers et ceux qui reviennent s’installer en France après une expérience salariée en Europe. Sur ce point, il faut noter l’action positive du Président qui a impulsé une réforme qui devrait bientôt voir le jour. Ce mécanisme imposerait de percevoir le chômage dans le pays dans lequel le salarié a cotisé. Il permettrait à la France d’économiser près d’un milliard d’euros par an selon l’Unedic sans toucher aux allocations de tous ceux qui connaissent une transition dans leur carrière.

 

Remy GIEMZA est consultant en transition de carrière.

Juriste, il a longtemps été gestionnaire de la conformité des droits au chômage chez Pôle emploi pour les cadres dirigeants. Il est le fondateur de la société PBO Conseil, une entreprise qui aide les salariés et à gérer leur relation avec Pôle emploi (droits au chômage) et qui les accompagne dans leur transition (reprise d’activité, création d’entreprise, retraite).

PBO Conseil compte parmi ses clients des grandes entreprises et des particuliers.

Rémy Giemza est joignable au 06 95 77 70 27.

À propos de Cadre Averti

Conçu par Françoise de Saint Sernin, avocate spécialisée dans la défense des intérêts des cadres et dirigeants au sein du cabinet saintsernin-avocats.fr, Cadre Averti a pour ambition de répondre aux premières interrogations de salariés confrontés à un aléa de carrière. Ce site propose ainsi un grand nombre de fiches techniques permettant immédiatement de comprendre les enjeux d’un dossier et de se repérer dans le maquis des textes.

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