Réduction des indemnités chômage des séniors : quelles sont les mesures envisagées ?
Publié lePour contrer la hausse du chômage de 0,3 points depuis le début de l’année, le Ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, entend sanctionner les coupables. Ce sont les plus de 55 ans qui mettent à profit la durée d’indemnisation plus longue dont ils bénéficient pour se « mettre au vert » prématurément et épuiser leurs allocations pôle emploi avant de prendre leur retraite. Cadre Averti s’insurge contre cette vision qui diabolise les salariés âgés en exonérant totalement les entreprises et tente de déceler, au vu des déclarations formulées, en quoi consisteront les mesures réduisant les droits au chômage des salariés âgés.
La hausse du chômage statistiquement due à l’indemnisation des salariés âgés.
Alors que les moins de 25 ans mettent en moyenne 180 jours, soit 6 mois, à trouver un emploi, les 25-57 ans restent au chômage 316 jours, soit 10,5 mois, les plus de 50 ans 472 jours, soit 15,73 mois (statistiques et indicateurs pôle emploi – toutsurlemploi.fr), et pour les plus de 55 ans, c’est 771 jours, soit 25,7 mois.
En effet, l’augmentation de 53 % en moyenne de durée du chômage des séniors ne s’applique pas de la même façon pour les jeunes séniors de 50 ans ou pour ceux qui ont une dizaine d’années de plus, dans la quasi impossibilité de se repositionner alors que l’âge légal de la retraite va progressivement s’établir à 64 ans. Ce sont eux qui coûtent cher, puisque non seulement ils bénéficient d’une durée d’indemnisation plus longue, mais surtout, faute de retrouver un emploi, ils perçoivent leurs indemnités jusqu’au bout. Il suffit de réduire leur durée d’indemnisation pour faire « d’une pierre deux coups » : faire baisser à la fois le coût et les statistiques du chômage.
Le salarié ou l’entreprise : qui est responsable de la sortie prématurée de l’emploi des séniors ?
Le taux d’emploi des salariés âgés de 60 à 64 ans est de 36 %, il était en 2020 de 33,1 % selon le tableau ci-dessous :
Alors que l’âge de la retraite est désormais reculé de deux ans, deux tiers des salariés ont quitté le marché du travail avant 60 ans. Comment ? Parce qu’ils ont été licenciés ou tenus d’accepter une rupture conventionnelle. Preuve en est l’augmentation considérable du nombre de licenciements et de ruptures conventionnelles pour une population au travail qui a peu évolué.
En 2007, l’année précédant la mise en place de la rupture conventionnelle, le nombre de licenciements était de 705.140, se décomposant en 534.250 licenciements pour cause personnelle et 170.620 licenciements pour cause économique. En 2022, on enregistre 1.068.039 licenciements, avec une envolée spectaculaire des licenciements pour cause personnelle à 977.436 tandis que les licenciements pour cause économique régressent à 90.603 (pourquoi en effet licencier pour cause économique, quand avec le barème Macron les licenciements pour cause personnelle même abusifs, coûtent moins cher ?). Quant aux ruptures conventionnelles, elles connaissent une accélération, dépassant les 500.000 en 2022 (chiffres DARES). Or, c’est généralement l’employeur qui propose, sinon impose, la rupture conventionnelle, le salarié n’ayant aucun intérêt à l’accepter s’il n’a pas un autre emploi qui l’attend (voir article Cadre Averti : attention à la rupture conventionnelle toujours taxée pour les salariés âgés).
C’est donc 1.960.000 ruptures du contrat de travail (licenciements/ruptures conventionnelles) qui interviennent à l’initiative de l’employeur, soit une augmentation de 1.560.000 (en 2022) - 700.000 (en 2007) = 860.000 départs provoqués supplémentaires, subis par le salarié. Quand on sait qu’au cours de la même année 2022, le nombre de liquidations de retraite a été de 776.000, on constate qu’une grande majorité des salariés a été licenciée ou a dû accepter une rupture conventionnelle avant de pouvoir prendre sa retraite. Les entreprises ne veulent pas s’encombrer des salariés âgés. Aucun dispositif n’a été mis en place dans le cadre de la réforme des retraites pour les inciter à maintenir dans l’emploi les salariés jusqu’à l’âge de la retraite et au moment où doit s’ouvrir la négociation sur l’emploi des séniors les choses sont claires. Selon Monsieur Le Maire « On peut toujours pénaliser les entreprises mais si on veut développer l’activité il me paraît bon de les soutenir ». Pourquoi en effet contraindre les entreprises à conserver les séniors quand il suffit de leur supprimer leurs indemnités chômage pour atteindre, c’est toujours Monsieur Le Maire qui le dit, l’objectif des 5 % promis en 2027 ?
Privés d’indemnités Pôle Emploi, les salariés âgés vont faire exploser le « halo autour du chômage »
Le halo autour du chômage est la période pendant laquelle le salarié qui n’a plus droit aux indemnités Pôle Emploi est privé de toutes ressources hors l’ASS (Allocation de Solidarité Spécifique) de 18,17 € par jour.
Le halo autour du chômage représente en 2022 (chiffre INSEE) 2 millions de personnes, alors que le chômage en totalisait l’année dernière 2,2 millions, seuls les chômeurs en catégorie A, soit sans aucun emploi, étant comptabilisés.
Le graphique qui suit permet de comprendre quel va être l’impact de l’effet conjugué de la réduction de la durée de l’indemnisation chômage et de l’allongement de l’âge de la retraite pour les salariés âgés.
On constate que le halo autour du chômage, soit l’inactivité hors retraite, caractérisée par la couleur rouge, augmente très fortement sur ce tableau établi en 2021, à 60 et 61 ans, soit les 2 années précédant la retraite à 62 ans.
Désormais, ce seront les salariés de 62 et 63 ans qui souffriront le plus, confrontés à la « paupérisation des séniors exclus de l’emploi » dénoncée par la Cour des Comptes depuis 2019.
Quels sont, à l’heure actuelle, les droits des chômeurs de plus de 50 ans ?
Loin est l’année 2002 où l’indemnisation chômage pour les plus de 50 ans était de 60 mois. Depuis le 1er février 2023, les salariés âgés de 50 ans bénéficient d’une prise en charge de 18 mois, ceux de 53 ans, de 22,5 mois et ceux de 55 ans de 27 mois. Jusqu’au 31 décembre 2023, le salarié qui atteint 62 ans et qui est au chômage depuis 12 mois peut conserver les indemnités pôle emploi jusqu’à sa retraite à taux plein, soit au plus tard à 67 ans. Celui qui est licencié alors qu’il a atteint l’âge de la retraite, 62 ans et 3 mois à l’heure actuelle, et 63 et 6 mois le 1er janvier 2024, a droit au chômage pendant 27 mois, ce tant qu’il n’est pas retraitable à taux plein, faute d’avoir acquis le nombre de trimestres nécessaires (il cotise à la retraite étant au chômage).
Les réductions de droits au chômage auxquels les seniors doivent s’attendre.
Monsieur Bruno Le Maire est extrêmement sévère pour les salariés âgés « Tous les dispositifs d’indemnisation qui nourrissent le chômage des séniors doivent être revus » (BFM Business). Avec un tel discours on peut craindre le pire avec la convention de l’emploi des séniors qui doit s’ouvrir ces jours-ci entre les partenaires sociaux.
Oubliée, la loi du 21 décembre 2022 qui réduisait à compter du 1er février 2023 de 25% les allocations versées aux demandeurs d’emploi en raison de la bonne santé de l’économie, mais qui prévoyait expressément qu’en cas de dégradation du marché du travail, avec un chômage repassant le seuil de 9%, les 25% soit 9 mois supplémentaires pour les plus de 55 ans, devaient être restitués.
Les partenaires sociaux ont conlcu le 10 novembre dernier, un accord sur les règles d’indemnisation du chômage en 2024 prévoyant notamment au profit des seniors que la réduction de 30% des indemnités chômage pour les salariés qui avaient une rémunération de plus de 4.500 € par mois, s’applique uniquement jusqu’à 55 ans et non plus jusqu’à 57 ans comme c’est le cas à l’heure actuelle.
Les partenaires sociaux n’ont pas obtempéré à la demande du gouvernement de reporter de deux ans l’âge des majorations d’indemnité, soit 55 ans au lieu de 53 pour avoir droit à 22,5 mois d’indemnité, au lieu de 18, et 57 ans au lieu de 55 pour pouvoir prétendre à 27 mois au lieu de 22,5. Il faut s’attendre, plutôt que la suppression pure et simple de toutes les majorations d’indemnisation pour âge, que ce soit cette mesure qui soit retenue dans le cadre de la convention sénior.
Par ailleurs, les salariés qui espèrent pouvoir bénéficier du maintien des indemnités Pôle Emploi au-delà de la période d’indemnisation à laquelle ils ont droit, entre le moment où ils atteignent l’âge légal de la retraite et le moment où ils peuvent liquider leur retraite à taux plein, soit généralement 66/67 ans pour les cadres qui ont effectué des études longues, ont du souci à se faire. Cette possibilité a été reconduite, mais seulement de façon temporaire, jusqu’au 31 décembre 2023. Au-delà, il n’y a pas pour le moment aucune information.
Enfin, il faut souhaiter que les salariés licenciés alors qu’ils ont déjà atteint l’âge légal de la retraite sans pouvoir la prendre à taux plein, faute du nombre de trimestres nécessaire, conservent la possibilité de s’inscrire au chômage et de percevoir les indemnités Pôle Emploi correspondant à leur âge.