Licenciement économique : le critère d’ordre s’apprécie au niveau de la zone d’emploi
Publié leLorsque l’employeur envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il est nécessaire d’établir un ordre des licenciements à chaque fois qu’il faut choisir, entre plusieurs salariés, ceux qui seront licenciés. L’ordre des licenciements doit prendre en compte les critères prévus par le Code du travail (article L1233-7 du code du travail) ou par la convention collective applicable sur un périmètre qui ne peut pas être inférieur à la zone d’emploi.
L’ordre des licenciements : ce que dit le droit du travail
Suivant l’article L. 1233-5 du code du travail, ces critères prennent notamment en compte :
- Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;
- L’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ;
- La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;
- Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
Cette liste n’est pas limitative et l’employeur peut y ajouter d’autres critères.
Fixation du périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements
Toujours suivant l’article L. 1233-5 du code du travail, le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements peut être fixé par un accord collectif. En l’absence d’un tel accord, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d’emplois dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l’entreprise concernés par les suppressions d’emplois. La notion de zone d’emplois correspond, selon l’Insee, à « un espace géographique à l’intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent, et dans lequel les établissements peuvent trouver l’essentiel de la main d’œuvre nécessaire pour occuper les emplois offerts ». Ces zones d’emplois sont actuellement celles référencées dans l’atlas des zones d’emploi établi par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Cet atlas peut être consulté en ligne.
Zone d’emploi : un motif d'annulation de la décision de validation du PSE
Dans un arrêt d’espèce du 6 juillet 2021, l’employeur estimait que comme le cessionnaire ne reprenait pas toutes les agences de la société, les critères d’ordre de licenciement devaient s’appliquer au niveau de chaque agence et non au niveau de la zone d’emplois. La Cour administrative d'appel de Versailles, ne retient pas ce raisonnement. La Cour constate pourtant que les critères d’ordre de licenciement ont été appliqués au niveau de chacune des agences de l’entreprise et non au niveau de la zone d’emploi à laquelle ces agences appartiennent. Elle juge que le document unilatéral fixant un PSE ne peut pas prévoir la mise en œuvre des critères déterminant l’ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui des zones d’emploi dans lesquelles sont situés les établissements concernés par les suppressions d’emploi. La Cour donne ainsi raison au CSE qui contestait l’analyse l’employeur. « Il résulte des dispositions de l’article L. 1233-5 du code du travail qu’un document unilatéral fixant un plan de sauvegarde de l’emploi ne peut prévoir la mise en œuvre, pour chaque catégorie professionnelle, des critères déterminant l’ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui des zones d’emploi dans lesquelles sont situés les établissements concernés par les suppressions d’emploi dans les catégories en cause ». La décision d’homologation de la Direccte ainsi que le jugement de première instance doivent donc être annulés. La procédure de licenciement est nulle (C. trav. art. L. 1235-10). Le juge doit alors ordonner la réintégration de tout salarié qui en fait la demande, sauf si cette réintégration est impossible, notamment du fait de la fermeture de l’établissement ou du site, ou encore de l’absence d’emploi disponible (C. trav. art. L. 1235-11).
Toujours demander à l’employeur les critères retenus
En dehors des cas d'annulation d'une décision de validation, l’inobservation des règles relatives à l’ordre des licenciements expose l’employeur au paiement de l’amende prévue pour les contraventions de 4ème classe. Elle ouvre aussi droit, pour le salarié, au paiement de dommages-intérêts évalués en fonction du préjudice subi par le salarié. Toutefois, si le salarié ne justifie pas du préjudice subi, il ne peut obtenir la réparation de la violation de l’ordre des licenciements (Cass. soc. 23 novembre 2011, n° 10-30768). En pratique, le salarié a intérêt, dans un délai de 10 jours à compter de la date de son départ de l’entreprise, à demander à l’employeur les critères retenus. La demande doit être adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.