Liberté d'expression : un salarié peut-il publier une photo de lui nu sur Facebook ?
Publié leLe salarié dispose dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, d’une liberté d’expression à moins qu’il n’en abuse. La publication sur le compte Facebook d’un salarié, d’une photo le représentant nu et agenouillé dans une église, ne caractérise pas un abus dans sa liberté d’expression et ne justifie pas un licenciement pour faute grave selon un arrêt du 23 juin 2021 de la Cour de cassation (n°19-21.651).
« Agenouillé nu sur un prie-Dieu »
Selon l'arrêt attaqué, le salarié avait été engagé par l'association Les Oeuvres hospitalières françaises de l'Ordre de Malte en qualité de directeur d'établissement d'un foyer de vie qui accueille des adultes handicapés.
Il a été licencié pour faute grave en 2016 pour avoir publié sur son compte Facebook une photographie le présentant nu agenouillé sur un prie-Dieu dans une église. Le salarié a saisi le Conseil de Prud'homale pour atteinte à la liberté d’expression en réclamant la nullité de son licenciement et à tout le moins des dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Photographie prise à des fins artistiques
La Cour d’appel rejetait sa demande, jugeant que la publication du salarié constituait un abus de sa liberté d’expression, de nature à causer un tort à son employeur. Pour dire que le licenciement est fondé sur une faute grave, l'arrêt retenait que la large diffusion par le salarié sur le réseau social Facebook, qui plus est sur la page d'accueil, accessible à tout public, c'est-à-dire à ses subordonnés, aux membres des familles, aux représentants de l'association, aux résidents eux-mêmes, d'une photographie le montrant dénudé, agenouillé dans une église, était inappropriée et excessive et a caractérisé de sa part un abus dans l'exercice dans l’exercice de sa liberté d'expression. Selon la Cour d’appel, en tant que Directeur d’un établissement accueillant des adultes vulnérables, dont il était chargé avec les autres membres du personnel qu’il encadrait, dont il devait assurer le respect de l’intégrité et la sécurité, il a failli à ses fonctions d’encadrement et d’éducateur, rendant de la sorte le maintien dans ses fonctions impossible. Pour la Cour d’appel, il importait peu que la photographie ait été prise à des fins artistiques, hors du lieu de travail et sur le temps de sa vie privée.
Absence d’abus dans la liberté d'expression du salarié
La Cour de Cassation analyse la situation autrement : « la photographie, dépourvue de caractère injurieux, diffamatoire ou excessif, ne caractérisant pas un abus dans la liberté d'expression du salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ». La Cour de Cassation s’appuie sur l’article L. 1121-1 du code du travail qui énonce que sauf abus, le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules les restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées. La liberté d'expression est également garantie à l'article 12.1 de la Constitution, où il est stipulé que nul ne sera empêché de jouir de sa liberté d'expression.
Rien n’empêche par conséquent le salarié de diffuser largement des photos de lui nu sur les réseaux sociaux. Il lui appartiendra juste de convaincre le Conseil de Prud’hommes, qu’il s’agit de photographies artistiques et non pas de clichés obscènes !