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Forfait jours cadre : quelles sont les conséquences de l’annulation judiciaire ?
Publié leQuelles conséquences en cas de non respect de l’organisation de l'entretien annuel de forfait jours ? Comme la jurisprudence le rappelle régulièrement, l’employeur doit assurer le respect des durées maximales de travail et des repos journaliers ou hebdomadaires par un contrôle efficace de la réalité du travail effectué. Cadre Averti évalue les conséquences de l'annulation du forfait jours pour les employeurs et les cadres salariés.
L’entretien annuel pour les cadres en forfait jours est une obligation
La loi impose aux employeurs d'organiser chaque année au moins un entretien avec un salarié dans le cadre d'un contrat au forfait jours. L'idée de ce dialogue est d'échanger sur la charge de travail du salarié et aussi de passer en revue les documents de suivi des journées ou demi-journées de travail.
Entretiens de suivi : des organisations défaillantes
La charge de travail des salariés en forfait jours doit être contrôlée mais beaucoup d’entreprises sont défaillantes. Dans un arrêt du 9 février 2022 (Cass. Soc. n°20-18.602), une responsable d’un magasin Zara avait conclu une convention individuelle de forfait en jours. Après son licenciement, elle a saisi le Conseil de Prudhommes, reprochant notamment à son employeur de ne pas avoir rempli ses obligations en matière de protection de sa santé et de sa sécurité. À l'appui de sa demande, elle mettait en avant une défaillance de la part de l'employeur, s'agissant de l'organisation de l'entretien individuel, l'employeur n'ayant pas organisé ces entretiens pour les années 2010, 2012 et 2014. L'employeur justifiait la tenue des entretiens pour 2011 et 2013.
Absence d’entretien de suivi : le forfait-jours est-il valable ?
Non, en l’absence d’entretien de suivi, le forfait-jours n’est pas valable. La Cour de cassation rappelle d’ailleurs qu’il revient à l’employeur de prouver que ces entretiens avaient bien eu lieu. En l’espèce, la Cour de cassation relève que l'employeur n'avait pas organisé d'entretien annuel individuel pour chaque exercice, notamment 2010, 2012 et 2014. La convention de forfait jours était donc privée d'effet. Conséquence : la salariée pouvait réclamer les heures supplémentaires, comme si elle avait été embauchée sur la base de 35 heures !
Conséquences de l'annulation du forfait-jours
Si le forfait jours n’est plus valable, le principe est de revenir à la réglementation des 35 heures ! Chaque heure supplémentaire donne droit à une majoration du salaire horaire et au-delà du contingent annuel à une Contrepartie Obligatoire en Repos (COR). Le salarié est en droit de revendiquer un rappel d'heures supplémentaires sur les 3 dernières années (voir les délais de prescription en droit du travail).
Comment un cadre peut revendiquer le paiement des heures supplémentaires en cas d’annulation du forfait jours ?
Dans un arrêt du 17 février 2021 (n°19-15.215), un employeur a été condamné à 350 000 euros de rappel d’heures supplémentaires mais il faut que le salarié soit en capacité de le démontrer. Pour la Cour de cassation (6 janvier 2021, n°17-28.234), « il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant ». La charge de la preuve est partagée : le salarié doit apporter des éléments qui prouvent la réalisation d’heures supplémentaires (courriels, agenda, note de frais…), tandis que l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
La remise en cause du forfait en jours peut-elle entrainer le remboursement des jours de repos ?
Oui, le salarié doit faire la balance entre le paiement des heures supplémentaires et les RTT dont il a bénéficié dans le cadre du forfait. Dans l’arrêt du 6 janvier 2021, n°17-28.234, un cadre en forfait en jours avait été licencié pour faute grave. Il avait saisi le Conseil des Prud'hommes et réclamait notamment l’invalidité de son forfait-jours, faisant valoir le non-respect par l'employeur des modalités de contrôle du temps de travail et de suivi de la charge de travail. Les juges d'appel lui donnent raison, ces règles sont nécessaires pour garantir la protection de la sécurité et de la santé du salarié. L'employeur est condamné au paiement d'heures supplémentaires. Suite à cela, l'employeur a réclamé le remboursement des jours de repos dont avait bénéficié le salarié. La convention de forfait du salarié était privée d'effet, par conséquent le paiement des jours de repos accordés en exécution de la convention (devenue sans objet) était donc indu... L'employeur pouvait donc en réclamer le remboursement.
En définitive, si les risques financiers encourus par l’employeur manquant à ses obligations de contrôle du temps de travail du salarié en forfait jours peuvent être élevés, il convient pour le salarié d’être capable d’apporter la preuve des heures effectivement réalisées au delà de l’horaire légal.
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