Excès de vitesse avec un véhicule de fonction : peut-on être licencié ?
Publié leLe salarié qui commet des infractions au code de la route en dehors du temps de travail ne peut être sanctionné au seul motif qu’il conduisait un véhicule de fonction. C’est ce que confirme la Cour de Cassation le 4 octobre 2023. Cadre Averti attire toutefois l’attention des salariés qui disposent d’une voiture de fonction sur les risques auxquels ils s’exposent, notamment en matière d’accident.
Licencié pour de multiples excès de vitesse en allant au travail.
A l’évidence le salarié avait du mal à sortir de son lit. La Cour de Cassation se prononce (Cass. Soc. 4 octobre 2023, n° 21-25.421) sur le cas d’un mécanicien sur chantier licencié pour plusieurs excès de vitesse avec son véhicule de fonction sur le trajet entre son domicile et le travail. Le salarié soutenait que les faits relevaient de sa vie privée :
- d’une part, les infractions avaient été commises sur le temps de trajet, soit en dehors du temps de travail et donc à un moment où il n’était pas sous l’autorité de l’employeur,
- par ailleurs, le véhicule n’avait pas été endommagé et l’employeur ne subissait donc aucun préjudice.
Pour l’employeur, les infractions se rattachaient à la vie professionnelle puisque commises lors du trajet vers le lieu de travail.
Un état d’ivresse relevant de la vie personnelle du salarié ne peut justifier en principe un licenciement disciplinaire.
C’est ce que rappelle la Cour de Cassation qui pour donner raison au salarié mentionne :
- que le temps de trajet n’étant pas un temps de travail le salarié n’était pas à disposition de l’employeur,
- que l’employeur ne pouvait faire état d’un préjudice, le véhicule n’ayant pas été endommagé,
- et surtout, « que le comportement de l’intéressé n’avait pas eu d’incident sur son contrat de travail en tant que mécanicien ».
On constate donc qu’en cas de faits plus graves le licenciement disciplinaire aurait pu être confirmé.
Un salarié ivre qui provoque un accident avec son véhicule de fonction peut être licencié pour faute grave.
C’est ce qu’a décidé la Cour de Cassation dans une autre affaire (Cass. Soc. 19 janvier 2022, n° 20-19.742). Certes, les faits étaient graves puisque le salarié en rentrant d’un salon professionnel avait provoqué un accident alors qu’il était pris de boisson. Toutefois, il faisait valoir que l’accident était survenu entre 22 et 23 heures, horaire auquel il n’était plus sous la subordination de l’employeur, les faits commis, aussi graves soient-ils, relevant de sa vie privée et ne pouvant caractériser une violation des obligations découlant de son contrat de travail.
Or, la Cour de Cassation confirmait la décision d’appel « La Cour d’appel a relevé que les faits visés dans la lettre de licenciement dont le salarié ne contestait pas la matérialité, avait été commis alors qu’il conduisait sous l’empire d’un état alcoolique son véhicule de fonction, au retour d’un salon professionnel où il s’était rendu sur instruction de l’employeur, de sorte que les faits reprochés se rattachaient à la vie professionnelle du salarié ».
L’argument du salarié selon lequel à 22 heures il n’était pas sous la subordination de l’employeur est balayé. En quelque sorte, concernant les infractions commises pendant le temps de trajet, soit elles sont bénignes et elles relèvent de la vie privée, soit elles sont graves et elles relèvent de la vie professionnelle.
Il faut ajouter toutefois qu’en cas d’accident, le véhicule de fonction est endommagé, avec donc un préjudice susceptible d’être causé à l’employeur.
Un salarié peut-il être condamné à rembourser à l’employeur le coût de son véhicule de fonction détruit lors d’un accident fautif ?
Il s’agit là d’un arrêt de la Cour d’appel de Metz (1er avril 2015, n° 15/00190). Un salarié ayant provoqué un accident en se rendant au travail avec son véhicule de fonction alors qu’il avait absorbé « une quantité très importante d’alcool », contestait devant le Conseil de prud’hommes la rupture conventionnelle qu’il avait signée, arguant de la violence morale de son employeur. Ce dernier en profitait pour réclamer, à titre reconventionnel, la condamnation de son salarié à lui payer une somme de 21.626,60 € correspondant à la valeur du véhicule de fonction, irréparablement endommagé. La Cour d’appel donnait raison à l’employeur sur la validité de la rupture conventionnelle, mais le déboutait de sa demande de remboursement du véhicule de fonction au motif :
- que « la responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde »,
- qu’il n’était « pas démontré en l’espèce que Monsieur Y en conduisant le 11 mai 2011 sous l’emprise d’un état alcoolique a volontairement provoqué une accident, endommageant le véhicule le fonction appartenant à son employeur, dans l’intention de nuire à ce dernier».
Faute d’intention de nuire, seule la faute grave était qualifiée.
Conduire un véhicule de fonction, la prudence s’impose quelles que soient les circonstances.
Les règles qui se dégagent de ces diverses décisions peuvent être résumées ainsi :
- Si les infractions au code de la route commises pendant le temps de trajet ne sont pas punissables puisque relevant de la vie privée, celles commises pendant le temps de travail peuvent donc être sanctionnées.
- En cas d’accident fautif, le véhicule de fonction est endommagé, et l’employeur peut donc faire état d’un préjudice. Peut-il alors sanctionner le salarié qui a utilisé son véhicule de fonction, non pas pendant le temps de travail ou de trajet, mais exclusivement dans un cadre privé (comme il en a la possibilité, s’agissant d’une voiture de fonction et non pas de service). C’est ce que laisse entendre, a contrario, l’arrêt du 4 octobre 2023 qui pour exonérer le salarié qui commet des excès de vitesse en se rendant à son travail, retient que le véhicule de fonction n’a pas été endommagé.
La règle d’or quand on dispose d’une voiture de fonction c’est de respecter le Code de la route pour ne pas se faire rattraper par le Code du travail !