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Entretien préalable : Sentez-vous libre de dire toute la vérité à votre employeur !
Publié leTout salarié jouit de la liberté d'expression à l'extérieur comme au sein de l'entreprise. Toutefois, l’employeur peut y apporter certaines limites, en application du lien de subordination. Mais qu’en est-il lors de l’entretien préalable au licenciement ?
L’entretien préalable : la dernière chance de s’expliquer !
Avant toute chose, il convient de rappeler que lorsqu’on arrive à envisager une procédure de licenciement, la situation est déjà très délicate ou conflictuelle entre l’employeur et le salarié. L’entretien préalable constitue une phase essentielle de la procédure préalable au licenciement. Elle a pour objet d’instaurer un vrai dialogue pouvant conduire à une résolution positive du problème. Au cours de cet entretien, l’employeur est ainsi tenu d’indiquer le ou les motifs du licenciement envisagé et de recueillir les explications du salarié. Elle doit aussi permettre au salarié de rétablir sa vérité. C’est la raison pour laquelle le salarié doit pouvoir se sentir libre d’exprimer son point de vue sur les faits qui lui sont reprochés.
L’entretien préalable : une zone franche pour le salarié !
En principe, tout ce que vous pourrez dire ne peut être retenu contre vous pour justifier une cause de licenciement. L’entretien préalable doit en effet permettre au salarié de se défendre, et n’a pas pour objet de le contraindre à faire amende honorable. Dès lors, le salarié peut librement réfuter les griefs avancés par l’employeur. Les dénégations ou les doléances du salarié ne sauraient être retenues par l’employeur. En effet le salarié n’est pas subordonné à l’employeur pendant l’entretien et retrouve sa pleine liberté d’expression (Cass. soc., 19 juin 1991, n°89-40.843). Il ne pourra ainsi pas être sanctionné pour s’être défendu (même de façon énergique) à l’entretien préalable. Seuls des propos injurieux, excessifs ou
diffamatoires pourraient justifier une sanction à l’encontre du salarié (Cass. Soc. 20 février 1996, n° 92-45.259).
L’entretien préalable : violation de la liberté fondamentale d’expression
Dans une décision récente, la Cour d’Appel de Versailles a eu l’occasion de revenir sur les conséquences de l’atteinte à la liberté d’expression du salarié. Cette atteinte à une liberté d’expression d’un salarié, liberté fondamentale, emporte à elle seule la nullité du licenciement, sans qu’il y ait lieu d’examiner les griefs invoqués par l’employeur à l’appui de celui-ci. En l’espèce, la lettre de licenciement mentionnait : « Lors de votre entretien, fidèle à votre comportement habituel, vous avez rejeté tous les éléments qui vous ont été présentés, adoptant une attitude insolente et désobligeante à l’égard de votre ligne hiérarchique. Aussi, compte tenu des éléments qui précèdent, nous sommes contraints de prononcer votre licenciement pour faute grave, privatif de toute indemnité de licenciement et de préavis ». Pour la Cour d’Appel : « L’employeur ne caractérise aucun élément permettant de retenir que les propos de la salariée auraient été excessifs ou injurieux, et auraient constitué, de ce fait, un abus dans l’exercice de sa liberté d’expression. Dans ces conditions, le caractère agressif, insolent ou désobligeant des propos de la salariée, que l’employeur relie au fait qu’elle a réfuté les éléments qu’il lui présentait durant l’entretien préalable, revient à lui reprocher d’avoir fait usage de sa liberté d’expression dans l’exercice des droits de la défense ». Pour les juges, le licenciement étant nul, la salariée, qui en avait fait la demande, devait être réintégrée dans l’entreprise, dans l’emploi qu’elle occupait, ou, en cas d’impossibilité, dans un emploi équivalent à celui qu’elle occupait.
L’entretien préalable : quelle réparation en cas d’atteinte à la liberté d’expression du salarié ?
Le salarié victime d’une atteinte à sa liberté d’expression et dont le licenciement est nul peut demander sa réintégration dans son poste avec des conséquences financières lourdes pour l’employeur. En effet, la nullité prononcée en raison d’une atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, ouvre droit pour le salarié au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont le salarié a pu bénéficier pendant cette période. La réparation est toutefois limitée au montant des salaires dont il a été privé, et l’indemnité allouée à ce titre, qui a le caractère de dommages et intérêts, n’ouvre pas droit à une indemnité compensatrice de congés payés.
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