Congé de reclassement moins intéressant que le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) ? Pourquoi ?
Publié leSi le congé de reclassement est censé être plus généreux que le CSP c’est parce qu’il est financé par de grandes entreprises qui disposent de moyens pour aider les salariés qu’elles licencient pour cause économique à se reclasser. Pour les entreprises plus petites c’est l’Etat qui assure une aide au reclassement « standard » via le CSP. Cadre Averti dresse une comparaison des avantages et inconvénients du congé de reclassement et du CSP qui montre qu’en matière de reclassement il vaut souvent mieux appartenir à une petite entreprise plutôt qu’à une grande.
Qu’est-ce qui détermine si le salarié a droit au congé de reclassement ou au CSP ?
C’est le nombre de salariés au sein de l’entreprise qui doit être pris en compte. Celles qui totalisent plus de 1.000 salariés, ainsi que les établissements de plus de 1.000 salariés, doivent offrir en cas de licenciement économique un congé de reclassement. Celles qui ont un effectif de moins de 1.000 salariés doivent proposer le contrat de sécurisation professionnelle, contrat tripartite entre l’entreprise, l’Etat (pôle emploi) et le salarié.
La durée du congé de reclassement : c’est l’employeur qui décide.
Certes, le code du travail donne une indication sur la durée du congé de reclassement. Ainsi, la durée maximum prévue est de 12 mois, incluant la période de préavis. Toutefois, l’employeur a la possibilité de fixer une durée plus longue et c’est ce qui se passe quand le congé de reclassement est discuté avec les partenaires sociaux qui obtiennent que soient fixés dans les plans de sauvegarde pour l’emploi des congés de reclassement déclinés en fonction de l’âge et de l’ancienneté du salarié.
De même, le code du travail fixe une limite minimum pour la durée du congé de reclassement qui est de 4 mois intégrant la période de préavis. Pour un cadre dont le préavis est de 3 mois la durée supplémentaire du congé de reclassement est donc limitée à un mois.
La durée du congé de reclassement : l’employeur peut décider de celle applicable à chaque salarié
C’est en effet ce que permettent les dispositions fixées par le code du travail (articles 1233-17 et suivants) qui sont les suivantes :
- Au moment du licenciement il est donné un délai de 8 jours au salarié pour choisir le congé de reclassement. Le salarié doit alors se prononcer « les yeux fermés » puisqu’il n’a aucune idée de la durée du congé, ni de l’accompagnement proposé (sauf si les conditions du congé de reclassement ont été négociées avec les partenaires sociaux et fixées dans un plan de sauvegarde pour l’emploi) ;
- S’il accepte, il sera convoqué dans un délai non précisé par la cellule d’accompagnement missionnée par l’employeur (ou éventuellement par les élus) pour un « entretien d’évaluation et d’orientation » permettant de définir un projet professionnel et les actions de formation en découlant ;
- C’est seulement au vu du compte-rendu d’entretien établi par la cellule d’accompagnement qui conclut soit à l’échec de l’entretien, soit à l’existence d’un projet professionnel, que l’employeur adresse au salarié un document définissant la durée du congé de reclassement ainsi que les prestations assurées. Le salarié a un délai de 8 jours pour accepter. S’il refuse, le congé de reclassement prend fin et il a alors perdu un temps précieux pour organiser son repositionnement par lui-même dès la notification de son licenciement. Notamment, ayant opté au départ pour le congé de reclassement, il n’aura pas pu prendre des missions ou un autre poste à l’extérieur.
La durée du congé de reclassement dépend de la générosité de l’employeur.
C’est en effet la grande entreprise qui fixe librement le congé de reclassement et notamment sa durée. L’action des partenaires sociaux qui doivent être consultés en cas de licenciement collectif est précieuse. Ces derniers n’interviennent pas en cas de licenciement pour cause économique individuelle avec un congé de reclassement généralement fixé au minimum, soit un mois supplémentaire par rapport au préavis de trois mois pour les cadres.
La durée du contrat de sécurisation professionnelle : 12 mois
La durée du contrat de sécurisation professionnelle est de 12 mois à compter du retour par le salarié du « bulletin d’acceptation » qui lui est remis lors de l’entretien préalable au licenciement ou, en cas de PSE, après la dernière réunion du CSE. Le salarié dispose d’un délai de réflexion de 21 jours pour accepter ou refuser le CSP. S’il accepte, le contrat de travail est immédiatement rompu. Le salarié n’effectue donc pas son préavis et ne touche pas son indemnité de préavis puisque cette dernière est remise par l’employeur à pôle emploi pour financer partiellement le contrat de sécurisation professionnelle. En cas de préavis supérieur à trois mois, par exemple pour les cadres de la métallurgie de plus de 50 ans qui ont droit à un préavis de 6 mois, les mois supplémentaires sont versés au salarié.
La rémunération du congé de reclassement : 65 %
La rémunération du congé de reclassement est fixée par le code du travail à un minimum de 65 % du salaire. Il s’agit de la partie du congé de reclassement qui excède la durée du préavis, lequel est bien sûr payé à 100 %. Si le congé de reclassement est fixé au minimum, soit à 4 mois, l’employeur ne sera tenu de verser que 65 % d’un mois de salaire. C’est la moyenne des salaires versés au cours des 12 dernier mois, incluant donc le variable, qui doit être prise en compte pour le calcul de l’indemnité du congé de reclassement.
Le pourcentage de 65 % du salaire n’étant qu’un minimum, l’entreprise peut verser une indemnité supérieure pouvant aller jusqu’à 100 % du salaire. Ainsi, il est fréquent que dans les grands plans sociaux l’indemnité de congé de reclassement soit fixée à 75 % ou à 80 % du salaire.
La rémunération du congé de reclassement soumise aux charges sociales depuis le 1er janvier 2023
L’indemnité de congé de reclassement offrait un avantage sur le plan des prélèvements sociaux, elle n’était pas soumise aux charges sociales, le salarié n’ayant à verser que la CSG/CRDS de 9,7 %. Depuis le 1er janvier 2023 elle est considérée comme du salaire avec paiement des charges sociales par le salarié et par l’employeur. Les charges sociales patronales étant du double de celles du salarié, voilà qui ne devrait pas inciter l’employeur à se montrer généreux, tant en ce qui concerne la durée du congé de reclassement que sa rémunération. En revanche, le fait que l’indemnité de congé de reclassement soit désormais du salaire, devrait provoquer le paiement des congés payés, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent, ainsi que celui de la participation, ce qui était sujet à discussion.
La rémunération du contrat de sécurisation professionnelle : 75 % du salaire
La rémunération du contrat de sécurisation professionnelle est de 75 % du salaire. Toutefois pour les gros salaires, c’est la somme maximale de 175.968 € correspondant à 4 x le plafond de la sécurité sociale qui est prise en compte. Le maximum de l’indemnité de sécurisation professionnelle que peut toucher le salarié est donc de 175.968 € : 12 = 14.664 x 75 % = 10.998 €/mois. Certes, le salarié devra tenir compte du fait qu’il n’a pas perçu son indemnité de préavis versée par l’employeur à pôle emploi. Il peut donc estimer qu’il a perdu 25 % de salaire sur les trois premiers mois correspondant au préavis du contrat de sécurisation professionnelle. Il devra donc apprécier son intérêt à accepter le CSP.
La rémunération du contrat de sécurisation professionnelle : prime en cas de reclassement rapide.
Alors que le salarié qui met fin au congé de reclassement perd immédiatement la rémunération correspondante (sauf dispositif contraire prévu par le PSE) le salarié qui met fin au CSP parce qu’il a trouvé un emploi conserve une partie de la rémunération qu’il aurait touchée s’il était resté jusqu’à l’expiration du délai de 12 mois. S’il met fin au CSP avant le 10ème mois il perçoit une prime de reclassement correspondant à 50 % de l’allocation de sécurité professionnelle qu’il aurait touchée s’il était resté jusqu’au terme du CSP (12 mois).
La formation pendant le congé de reclassement
La formation pendant le congé de reclassement est assurée par la cellule d’accompagnement qui peut, dans certains cas, avoir été choisie par les élus mais c’est généralement l’employeur qui l’a pressentie. Tout dépend alors du budget alloué par l’employeur à la cellule d’accompagnement pour effectuer ses missions. Si le budget est conséquent la volonté du législateur sera respectée, à savoir des actions d’aide au reclassement assurées aux salariés des grandes entreprises de plus grande ampleur que celles résultant du CSP. Mais si, comme constaté si souvent pour les licenciements économiques individuels, le congé de reclassement est fixé au minimum légal, soit un mois supplémentaire par rapport au préavis de trois mois d’un cadre, la prestation intellectuelle censée être assurée par la cellule d’accompagnement sera, faute de budget, réduite, tout comme le délai, au minimum.
La formation pendant le contrat de sécurisation professionnelle
La formation pendant le CSP est assurée par pôle emploi. Chaque bénéficiaire du CSP fait l’objet d’un suivi individualisé par un conseiller spécifique de pôle emploi ou un opérateur privé désigné par pôle emploi. Tous les intervenants sont mobilisés pour favoriser le retour du salarié sur le marché du travail, ce qui est l’objectif de pôle emploi. L’accompagnement est à la fois long et de bonne qualité.
Le congé de reclassement et le chômage
A la fin du congé de reclassement le salarié s’inscrit à pôle emploi. Il sera alors soumis à une période de carence pouvant aller jusqu’à 75 jours (au lieu de 150 pour les salariés licenciés pour une autre cause qu’économique), ce pour le cas où il aurait perçu au moment de son licenciement une indemnité supérieure à l’indemnité légale de licenciement. Pour calculer le nombre de jours de carence il faut diviser par 95.8 le montant qui excède celui de l’indemnité légale de licenciement. Ainsi, le salarié qui a perçu une indemnité conventionnelle supérieure de 7.000 € à l’indemnité légale de licenciement, sera exposé à 7.000 : 95.8 = 73 jours de carence.
Le contrat de sécurisation professionnelle et le chômage
A la fin de la période de 12 mois du contrat de sécurisation professionnelle le salarié qui n’a pas retrouvé d’emploi s’inscrit au chômage. Contrairement au congé de reclassement, la durée du CSP est prise en compte pour le calcul de la durée d’indemnisation chômage (ARE). Ainsi, un salarié de plus de 55 ans qui a désormais droit à 27 mois de prise en charge n’en disposera plus que de 15 à la fin du CSP. En revanche, il ne sera pas soumis à la carence pôle emploi et il pourra poursuivre jusqu’à leur terme les formations en cours dans le cadre d’un PPAE (projet personnalisé d’accès à l’emploi).
Au final, quel est le plus favorable ? Le congé de reclassement ou le contrat de sécurisation professionnelle ?
Dans la mesure où la grande entreprise de plus de 1.000 salariés a toute latitude pour déterminer tant la durée que le contenu du congé de reclassement, tout dépend de sa mentalité :
- soit elle met en œuvre les moyens permettant aux salariés éligibles au congé de reclassement de bénéficier d’une prise en charge supérieure à celle que leur réserveraient pôle emploi au titre du CSP,
- soit, dans un souci d’économie, elle réduit le congé de reclassement à un simulacre, et les salariés de grandes entreprises sont alors profondément lésés par rapport à ceux qui peuvent accéder au CSP puisqu’appartenant à des entreprises de moins de 1.000 personnes.