Clause de non-concurrence: la renonciation doit être sans équivoque
Publié lePour protéger les intérêts de son entreprise, un employeur peut insérer une clause de non-concurrence dans le contrat de travail d’un salarié. L'insertion d'une clause de non-concurrence a pour but d'éviter que le salarié ne fasse bénéficier un autre employeur du savoir-faire spécifique qu'il a acquis dans l'entreprise en échange le salarié entravé dans sa capacité à retrouver un emploi devra obtenir une compensation financière.
Faculté de dédit unilatéral de l’employeur
Le plus souvent, l’employeur se réserve dans le contrat de travail la possibilité de libérer le salarié de la clause de non-concurrence au moment du départ, ce pour s’exonérer du paiement de l’indemnité de non-concurrence. Il y a là souvent une situation injuste pour le salarié.
En effet, ce dernier lié par la clause de non-concurrence aura été dans l’obligation d’éconduire les propositions qu’il aura reçues de la part d’entreprises concurrentes alors qu’il était en poste. En raison de l’existence de la clause de non-concurrence dans son contrat de travail, il ne peut prendre le risque de démissionner de son emploi pour rejoindre une entreprise concurrente, sauf à être ensuite « bloqué » par son ancien employeur qui exige le respect de la clause de non-concurrence.
En revanche, quand l’employeur se séparera d’un salarié dont il ne craint plus le potentiel de nuisance concurrentiel, par exemple en raison de son âge, il s’empressera alors de le libérer de la clause de non-concurrence au moment du licenciement. Le salarié ne recevra donc pas la contrepartie financière correspondant à la clause de non-concurrence qui l’aura entravé pendant tout le temps de son emploi.
Clause de non concurrence et rupture conventionnelle
Dans un arrêt du 6 février 2019 (n° 17-27188) la chambre sociale de la Cour de Cassation a eu l’occasion de revenir sur cette notion. En l’espèce un salarié réclamait le paiement de la contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail. Précédemment, aux termes d’un protocole d'accord de rupture conventionnelle, le salarié avait pourtant déclaré « avoir été réglé de toutes sommes, y compris et sans limitation, toute rémunération fixe, variable ou complément de rémunération éventuel, indemnité de quelque nature que ce soit, remboursements de frais et autres sommes qui lui étaient dues par la société au titre de l'exécution du contrat de travail ou du fait de la rupture conventionnelle de celle-ci, et plus généralement de toute relation de fait ou de droit ayant existé entre les parties, ou entre le salarié et toute autre société du groupe auquel la société appartient ». Par conséquent, la société faisait valoir qu'il était « manifeste que les parties avaient ensemble décidé d'écarter l'application de la clause de non-concurrence ».
La renonciation doit être sans équivoque !
Ce raisonnement n’a pas été retenu par la Cour de cassation qui rappelle que « la renonciation par l'employeur à l'obligation de non concurrence ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ». Ainsi, une mention « générale » dans une convention de rupture conventionnelle ne vaut pas renonciation de l’employeur à une clause de non-concurrence. Pour que la dénonciation unilatérale de la clause de non concurrence par l’employeur soit valable, ce dernier aurait dû y renoncer par LRAR. Une mesure logique qui permet de protéger le salarié contre l’interprétation de mentions équivoques au moment où il est poussé vers la sortie.
En l’espèce, la Cour de cassation a donc considéré que l’employeur n’avait pas renoncé à la clause de non-concurrence et il a été condamné à payer l’indemnité de non-concurrence à son ancien salarié.
Cassation sociale, 6 février 2019, n° 17-27188