Carlos Ghosn a-t-il des chances de gagner aux prud’hommes contre Renault ?
Publié leCarlos Ghosn aurait saisi les Prud’hommes pour obtenir du constructeur automobile ses droits à la retraite. Contrairement à ce qu’affirme la Ministre du Travail, sa demande est loin d’être ridicule.
Les demandes de Carlos Ghosn
« J’ai demandé à partir à la retraite et je défendrai mes droits en tant que personne qui a travaillé autant d'années, qui a rendu autant de services et qui a droit à une retraite. J’ai des droits vis-à-vis de Nissan, vis-à-vis de Renault, qui n'ont pas été respectés, et je compte bien les réclamer en justice ». Carlos Ghosn entend réclamer à Renault une indemnité de départ à la retraite de 249.999 euros, ainsi que la possibilité de toucher sa retraite-chapeau estimée à 770.000 euros annuels.
Qu’est-ce qu’une retraite-chapeau ?
C’est une retraite supplémentaire par rapport à la retraite légale et complémentaire (AGIRC- ARRCO), financée intégralement par l'entreprise, dont les prestations sont définies à l’avance et se traduisent généralement par un pourcentage garanti de la dernière rémunération d’activité. Ce système est généralement réservé aux collaborateurs les plus hauts placés dans l’entreprise. Il doit cependant être collectif et donc ne pas être réservé au seul dirigeant. Parmi les outils de la rémunération globale, il s'agit du plus fidélisant à long terme, la retraite supplémentaire n'étant acquise qu'en cas de présence dans l'entreprise jusqu'au jour de la retraite. Toutefois de nombreux plans de retraite-chapeau prévoient qu’un salarié licencié à partir d’un certain âge, généralement 55 ans, peut prétendre à la retraite supplémentaire s’il n’a pas repris d’activité professionnelle au moment où il liquide ses droits à la retraite.
Muriel Pénicaud affirme que Carlos Ghosn aurait démissionné
Questionnée sur RTL, Muriel Pénicaud qui indique mettre en avant « un point de vue personnel » et considère « tout cela est un peu ridicule. Demander une retraite-chapeau dans ce contexte, c'est un peu indécent ». La ministre du Travail rappelle par ailleurs que l'État est actionnaire de Renault : « Avec le conseil d'administration, on a jugé qu'il n'avait pas le droit à sa retraite-chapeau puisqu'il a quitté son poste avant la fin de ses fonctions ».
Carlos Ghosn de son côté martèle qu’il n’a pas remis sa démission. L’ancien PDG de Renault Nissan affirme que lors de son emprisonnement au Japon il a adressé à Renault une lettre disant qu’il se retirait de ses fonctions (et pour cause) mais qu’à aucun moment il n’a fait état d’une « démission ». Ce serait donc à tort que le 24 janvier 2019 le Conseil d’administration aurait constaté sa démission.
Selon lui, aucune rupture de son contrat de travail n’étant intervenue à l’époque, ce dernier se serait poursuivi, et ce jusqu’à ce qu’il y mette fin au moment où remplissant les conditions pour liquider sa retraite, il aurait notifié son départ en retraite à Renault.
Or, une démission ne se présume pas !
Selon la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, le salarié doit avoir manifesté la volonté claire et non équivoque de démissionner (Cass. Soc. 15 janvier 2002, n°00-40263). C’est le Juge prud’homal qui interprétera la lettre adressée par Carlos Ghosn à Renault et qui décidera si cette dernière vaut démission ou non.
Toutefois, on peut émettre une hypothèse. Si Carlos Ghosn saisit le Conseil de Prud’hommes c’est qu’il disposait d’un contrat de travail qui lui a été consenti, lors de son embauche, par Renault, et qui a été suspendu lorsqu’il a été nommé en tant que Président, et donc mandataire social du groupe.
Quand un contrat de travail est suspendu parce que le titulaire est nommé mandataire social, lorsque le mandat social expire du fait d’une démission ou d’une révocation, le contrat de travail est réactivé et l’employeur, s’il veut y mettre fin, est dans l’obligation de licencier le salarié. A défaut le contrat de travail perdure.
Le résultat pourrait être connu rapidement
Carlos Ghosn semble relativement sûr de son fait, puisqu’il aurait saisi le juge des référés du Conseil de Prud’hommes de Boulogne. Ce dernier se prononce dans des délais rapides dans les affaires « évidentes » et ne faisant donc pas l’objet d‘une contestation estimée sérieuse de la part de l’adversaire (si la contestation est jugée sérieuse, le juge des référés ne se prononce pas).
L’audience étant parait-il fixée fin février 2020, la décision devrait être prononcée dans les semaines qui suivent.
Par Françoise de Saint Sernin, Avocate associée - Cabinet SAINT SERNIN