CADRE AVERTI
Poser une balise GPS sur le véhicule de son « ex » n’est pas une faute professionnelle
Publié leCadre Averti décrypte cette semaine une jurisprudence qui pourrait bien surprendre. Selon un arrêt du 16 décembre 2020, un salarié posant une balise GPS sur le véhicule personnel d’une collègue dont il était amoureux et lui envoyant deux courriels sur sa messagerie professionnelle, ne peut pas être licencié pour faute grave... car ces faits relevaient de sa vie personnelle.
Les dessous de l’affaire
Le salarié avait été embauché en 2002 en qualité de formateur et a été licencié pour faute grave en juillet 2015. À la suite de son licenciement, il avait saisi le Conseil de Prud’hommes. Finalement la Cour d’appel avait fait droit à sa demande car elle constatait que si le salarié avait bien posé une balise GPS sur le véhicule de sa collègue, il entretenait aussi une relation amoureuse avec elle. Quand bien même il avait également envoyé deux messages au moyen de la messagerie de l’entreprise, la Cour a jugé que ces faits relevaient de la vie personnelle du salarié et ne constituait pas un manquement aux obligations découlant du contrat de travail.
Un fait issu la vie personnelle
L’article 9 du Code civil assure à chacun le droit au respect de sa vie privée. Par conséquent, la vie personnelle du salarié ne peut être considérée comme un motif légitime de licenciement. Selon une jurisprudence établie et réaffirmée à de nombreuses reprises, un fait de la vie personnelle ne peut ainsi pas justifier un licenciement disciplinaire (Cass. Soc. 26/09/01 n° 99-43636 ; Cass. Soc. 19/12/07 n° 06-41731 ; Cass. Mixte 18/05/07 n° 05-40803 ; Cass. Soc. 23/06/09 n° 07-45256 ; Cass. Soc. 09/03/11 n° 09-42150). En effet, le pouvoir de direction de l’employeur ne peut pas s’exercer sur la vie privée du salarié, il en est de même de son pouvoir disciplinaire.
Absence de trouble caractérisé
Toutefois, un trouble caractérisé peut justifier le licenciement non disciplinaire. Ainsi, un salarié ne peut pas être sanctionné pour des actes tirés de sa vie personnelle… sauf si cela caractérise un trouble objectif. La Cour de cassation estime en effet que l’employeur peut licencier pour une cause tirée de la vie privée du salarié uniquement « si le comportement de celui-ci, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière » (Cass. soc., 22 janv. 1992, n°90-42.517). En l’espèce la Cour de Cassation ne considère pas qu’il y avait de trouble caractérisé par cette affaire. Elle souligne notamment que la cour d'appel avait constaté, d’une part que « les salariés avaient entretenu pendant des mois une relation amoureuse faite de ruptures et de sollicitations réciproques ».
Absence de harcèlement moral au travail
Selon la définition du code du travail, le harcèlement moral au travail désigne « des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail (du salarié) susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale et de compromettre son avenir professionnel ». Dans cette affaire, la qualification du harcèlement n’est pas non plus retenue dans le cadre du travail. Tout d’abord, la balise GPS avait été posée sur le véhicule personnel de la salariée ; ensuite les faits n'avaient eu aucun retentissement au sein de l’agence ou sur la carrière de l’intéressée. La cour d'appel a donc pu déduire que « ces faits relevaient de la vie personnelle du salarié et ne constituaient pas un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail, en sorte que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse ».
Attention toutefois, ce n’est pas parce que cette affaire aurait dû être sans incidence sur le contrat de travail qu’elle ne portait pas atteinte à la vie privée de l’intéressée. Même dans un couple, il est possible de poursuivre en justice son conjoint (ou plus souvent son ex) sur le terrain civil et pénal pour violation de la vie privée. L'article 226-1 du Code pénal dispose par exemple que: «est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 € d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui ».
À propos de Cadre Averti
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