Une salariée qui travaille pour quelqu'un d'autre pendant ses arrêts maladie doit-elle indemniser l'employeur ?
Publié leQuand on est en arrêt maladie on doit cesser tout travail pour son employeur, et a fortiori pour quelqu’un d’autre. La salariée déloyale qui profite de ses arrêts maladie payés par l’employeur pour se livrer à une autre activité rémunérée, peut-elle être poursuivie financièrement ? C’est cette question que tranche la Cour de Cassation, dans un arrêt du 3 février 2021.
La dénonciation du conjoint à l’origine de l’affaire !
En l’espèce, Madame X se plaignait devant la Cour d’Appel de Versailles d’avoir été harcelée moralement par son employeur, ce qui avait provoqué une longue période d’arrêts maladie suivie d’un licenciement pour inaptitude.
Or, juste avant l’audience de plaidoirie, alors qu’elle est en plein divorce, son mari adresse à l’employeur tous les éléments (fiches de paie, déclaration de revenus) démontrant qu’elle mettait à profit son arrêt maladie pour exercer un autre emploi salarié. Elle touchait donc à la fois les indemnités journalières, le salaire que son employeur continuait de lui verser à 100 % et celui versé par l’autre employeur.
Le mari, par une attestation affirme que : « Cette activité parallèle constitue une fraude à la sécurité sociale et une infraction à la clause d’exclusivité de loyauté et de confidentialité du contrat de travail ».
Comme on pouvait le craindre, la Cour d’Appel non seulement déboute Madame X de toutes ses demandes, refusant notamment de reconnaître le harcèlement moral, mais elle la condamne à payer 20.000 € de dommages et intérêts à son employeur pour le motif suivant :
« L’activité parallèle de Madame X auprès de la société … constitue une infraction des obligations contractuelles de la salariée tenue à une obligation d’exclusivité en vertu de l’article 7 son contrat de travail. Cette violation par la salariée a causé un préjudice à la société,… ».
Pas de sanction financière contre la salariée déloyale
Malgré sa déloyauté établie, la salariée n’a pas été tenue d’indemniser l’employeur. Il n’est pas contesté que Madame X a exercé une autre activité rémunérée pendant son arrêt maladie, violant la clause d’exclusivité figurant dans son contrat de travail et empochant à la fois indemnités journalières et salaires de son employeur officiel et de son employeur caché. Toutefois, si elle n’avait pas déjà été licenciée pour inaptitude Madame X aurait été passible d’un licenciement pour faute grave privatif de toutes indemnités (y compris indemnité de préavis et indemnité légale ou conventionnelle du licenciement) et non pas d’un licenciement pour faute lourde, également privatif de toutes indemnités mais qui seul permet à l’employeur d’aller rechercher la responsabilité pécuniaire du salarié.
Or, « la faute lourde est caractérisée par l’interdiction de nuire à l’employeur ». Madame X, si elle a continué de toucher son salaire alors qu’elle avait une autre activité professionnelle, s’est certes montrée indélicate et profiteuse mais sans volonté de nuire délibérément à l’employeur. Elle ne pouvait donc pas être condamnée à lui verser 20.000 € à titre de dommages et intérêts.
On constate donc que même si l’employeur établit le préjudice financier résultant de la faute du salarié ce n’est pas pour autant qu’il pourra le faire condamner à réparer ce préjudice. Il faudra pour cela qu’il démontre la faute lourde, soit la volonté du salarié de nuire à l’employeur.