« Name & Shame » : les Lionnes dénoncent le sexisme dans le secteur de la publicité
Publié leLes Lionnes, association de lutte contre le sexisme dans les secteurs professionnels de la publicité et de la communication, a mené cette semaine une campagne épinglant une agence de communication parisienne. Cadre Averti décrypte leurs modes d’actions qui font écho au mouvement #MeToo et les moyens d’actions judiciaires pour les victimes.
Des actions coup de poing pour lutter contre le sexisme
L’association dénonce le harcèlement sexuel qui se caractérise par le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste, qui portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. Les lionnes libèrent la parole en offrant la possibilité aux femmes et aux hommes de leur confier leur(s) expérience(s) de façon confidentielle. A partir de cinq témoignages recueillis au sein d’une même société, l'association se met en action. Les Lionnes entrent alors en contact avec l'agence concernée pour obtenir la suspension à titre conservatoire du collaborateur suspecté et pour permettre la mise en place d’une enquête interne. En dernier recours, en l’absence de réaction de l’entreprise, l’association utilise la technique du « Name and Shame » (« mettre la honte ») pour exercer une pression sur les dirigeants. Dernière action en date, Les Lionnes ont ainsi, dans la nuit de lundi 29 juin, visé le siège de l'agence Epoka avec une campagne d’affichage sur les murs extérieurs des locaux de l’agence. L’association aurait recueilli à ce jour 31 témoignages dans cette entreprise qui compte une centaine de salariés.
L’agence Epoka dénonce une forme de chantage
Du côté de l’entreprise le message est très différent. Sur les réseaux sociaux, l'agence de communication répond ainsi : "Les Lionnes, association très minoritaire qui prétend défendre la cause des femmes exerce un chantage insistant sur notre entreprise depuis quelques semaines. Cette association fait pression sur les femmes de l’agence, en sollicitant abusivement de prétendus témoignages, en déformant les propos de la direction à propos du cas d'un jeune manager pourtant sanctionné et ce, dans le seul but de nous faire accepter une mission de conseil chez nous. Rappelons que ce manager a été démis de ses fonctions aux termes d’une enquête interne menée par le CSE et la direction. Notre agence met un point d’honneur à traiter avec équité les rapports hommes/femmes. Nous avons bien évidemment refusé ce chantage qui confine à la tentative d’extorsion. Hier, les membres de cette association ont saccagé nos locaux par un affichage sur la rue, destiné à nous nuire. Ils le revendiquent sur les réseaux sociaux. Nous prenons évidemment toutes les mesures nécessaires et allons déposer plainte contre ces agissement violents et illégitimes".
Les recours des victimes de harcèlement
Le mode d’action des "Lionnes" invite à la réflexion et s’inspire du mouvement #MeToo qui s'est diffusé dans au moins 85 pays. À la suite de l'engouement qui avait suivi la mise en ligne du hashtag #BalanceTonPorc, le nombre de plaintes pour harcèlement sexuel ou agressions sexuelles avait augmenté significativement, mais provisoirement, de 20 à 30 % à Paris, avant de revenir quatre mois plus tard au niveau d'avant la création du hashtag.
Il convient de rappeler qu’avant de se tourner vers les réseaux sociaux, les victimes peuvent aussi contacter la médecine du travail, l’inspection du travail ou même les syndicats dont la mission est de conseiller, d'accompagner et de protéger les salariés.
Ne pas hésiter à saisir les tribunaux
Enfin, le salarié victime de harcèlement au travail a le choix de la juridiction. S’il s’agit d’une affaire grave, notamment d’une affaire de harcèlement sexuel, il peut porter plainte devant la justice pénale dans un délai de six ans après le dernier fait de harcèlement commis. La justice prendra en compte tous les éléments constituant le harcèlement même si les faits se sont déroulés sur plusieurs années. Le salarié pourra également saisir le Conseil des Prud’hommes afin d’obtenir réparation effective de ses préjudices. Dans cette perspective il devra se préoccuper de conserver tous les éléments qui lui permettront de démontrer la réalité des agissements de harcèlement. Notamment il devra conserver les échanges d’email démontrant le harcèlement. En effet, dans la mesure où il est difficile pour le salarié d’apporter la preuve du harcèlement ou de la discrimination, cette preuve a été aménagée. Le salarié doit ainsi présenter les éléments factuels (notamment les échanges d’emails) sur lesquels il s’appuie pour dénoncer le harcèlement.
En conclusion, il convient de rappeler que les salariés ne doivent pas avoir peur de faire appel à la justice. Le fait de dénoncer le harcèlement (ou une discrimination) et de saisir le Conseil des Prud’hommes permet de bénéficier d’une protection efficace. En effet, si un salarié est licencié à la suite de sa dénonciation et que le Conseil des Prud’hommes constate que le licenciement est la conséquence des faits de harcèlement ou de discrimination qu’il avait dénoncés, le licenciement sera annulé, avec obligation pour l’employeur de réintégrer le salarié si ce dernier le réclame. Comme la procédure prud’homale est longue, l’employeur sera alors tenu de payer le salaire qui a couru entre le jour de l’expiration du contrat de travail et le jour de l’annulation du licenciement, soit plusieurs années de salaire (après déduction des revenus de remplacement).