Transaction obtenue avant le licenciement : quand y a-t-il harcèlement moral ?
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Selon la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, l’employeur a interdiction d’inciter un salarié à négocier avant la notification du licenciement par lettre RAR. Si, de surcroît, l’employeur exerce des pressions pour contraindre le salarié, le harcèlement moral est caractérisé, tel que le constate la Cour d’appel de Paris le 12 février 2025.
Une transaction ne peut intervenir que postérieurement à un licenciement.
La transaction est un contrat qui a pour but de mettre fin à un litige existant, notamment à la suite d’un licenciement. Pour éviter que le salarié ne saisisse le Conseil de prud’hommes et n’obtienne des indemnités pour licenciement abusif, l’employeur lui propose une indemnité transactionnelle. Si le salarié accepte, il renonce à contester son licenciement et se désiste de toute instance ou action contentieuse.
Toutefois, l’employeur ne peut proposer une transaction au salarié qu’une fois que la lettre de licenciement, qui énumère les motifs de ce dernier, a été notifiée au salarié. C’est seulement à ce moment-là qu’une discussion sur un pied d’égalité peut s’engager. Avant la notification du licenciement le salarié peut faire l’objet de tous les chantages et notamment le chantage à la faute grave. S’il refuse le montant de l’indemnité transactionnelle proposé par l’employeur ce dernier peut, pour le faire céder, le menacer de le licencier pour faute grave ou lourde, en le privant de toutes indemnités.
Une transaction signée avant la notification du licenciement est nulle.
le salarié qui a été contraint de signer une transaction avant le licenciement et qui arrive à le prouver, puisque généralement la date de signature qui figure sur la transaction est postérieure à la notification du licenciement, obtient l’annulation de la transaction.
Ainsi, un salarié qui avait reçu sa lettre de licenciement le 17 septembre 2004 contestait la date de signature du protocole transactionnel du 24 septembre 2004 au motif que le protocole avait été transmis aux Assedic le 21 septembre 2004. Alors que la Cour d’appel déboutait le salarié au motif que même s’il démontrait que la date de signature était fausse, il ne justifiait pas d’une signature effective avant la notification du licenciement, la Cour de Cassation lui donnait raison (01.01.2009, n° 08-43.179). Du moment que la date était fausse c’était à l’employeur qu’il appartenait de prouver que la transaction avait été signée postérieurement au licenciement.
Par ailleurs, l’employeur doit démontrer qu’il a respecté la notification du licenciement prévue par le code du travail, à savoir au moyen d’une lettre recommandée avec accusé de réception. Ainsi, un employeur qui s’était contenté de produire une lettre de licenciement remise en mains propres au salarié à une date antérieure à la signature de la transaction subissait l’annulation de la transaction (Cass. Soc. 12.02.2020, n° 18-19.149). Il va de soi que seul le salarié a la possibilité d’invoquer la nullité de la transaction.
Obliger un salarié à négocier avant son licenciement caractérise le harcèlement.
C’est ce qui résulte d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 12 février 2025 (RG 21/03924). Une salariée de retour d’arrêt maladie est accueillie le 25 septembre 2019 par son employeur qui entend lui faire accepter son départ au motif qu’il « peut faire ce qu’il veut chez lui ». La salariée confirme par un courrier du 9 octobre 2019 qu’elle accepte la rupture. Toutefois, par la suite elle saisit le Conseil de prud’hommes et produit un enregistrement de l’entretien du 25 septembre 2019. Au vu de cet enregistrement, accepté comme preuve malgré son caractère illicite la Cour d’appel de Paris retient « l’existence d’agissements constitutifs de harcèlement ». En conséquence, le licenciement de la salariée est annulé.
Le fait que les enregistrements sonores puissent être désormais acceptés comme preuve par le Conseil de prud’hommes devrait mettre fin à une pratique malheureusement répandue qui consiste pour l’employeur a faire signer les deux exemplaires d’une transaction par un salarié avant le licenciement et à conserver les deux exemplaires par devers lui jusqu’à la réception par le salarié de sa lettre de licenciement.
En cas de rupture conventionnelle, peut-on négocier les indemnités de rupture avant la rupture elle-même ?
Effectivement, comme il s’agit en principe d’une rupture d’un commun accord, l’employeur peut, à ce moment-là, discuter avec le salarié des modalités de la rupture conventionnelle en vue de signer la convention de rupture. Toutefois, le Code du travail a prévu une protection pour le salarié qui peut se faire assister lors des discussions par un autre salarié de l’entreprise, généralement un représentant du personnel, et s’il n’y a pas de représentant du personnel dans l’entreprise, par un conseiller extérieur, comme pour l’entretien préalable au licenciement.
Il s’agit là d’une protection efficace pour le salarié. Si lors d’un entretien en vue d’identifier une rupture conventionnelle l’employeur formule un montant d’indemnité de rupture conventionnelle, et si par la suite refuse le salarié refuse la rupture conventionnelle, l’employeur ne pourra pas, par mesure de rétorsion, le menacer de le licencier pour faute grave. Du fait de la présence du témoin lors des entretiens en vue d’identifier la rupture conventionnelle, il aura, à la fois, la preuve que l’employeur lui aura préalablement proposé une rupture conventionnelle, ce qui exclut un licenciement pour faute grave et la preuve du montant de l’indemnité de rupture conventionnelle annoncée, tel que résultant d’un compte-rendu d’entretien établi ou contre-signé par le témoin.