Se déconnecter pendant les vacances : un droit et un devoir !
Publié leL’arrivée des smartphones et des messageries électroniques a considérablement brouillé la frontière entre la vie professionnelle et la vie privée. Vérifier sa boîte mail, emporter des dossiers à terminer… ces mauvaises habitudes des salariés en congé peuvent provoquer du stress voire gâcher les vacances mais que dit le droit du travail ?
Le droit à la déconnexion : qu’est-ce que c’est ?
La culture d’entreprise axée sur le surinvestissement et la disponibilité de tous les instants incite de manière implicite les salariés à rester connecter en permanence. C’est justement pour faire face à de nombreux cas de burn-out, d’heures supplémentaires non payées et de non-respect des heures de repos qu’a été introduit le droit à la déconnexion par la Loi du 8 août 2016. Dans le chapitre 2 de cette loi, consacré à « l’adaptation du droit du travail à l’ère du numérique », l’article 55 pose une nouvelle exigence de négociation collective. Dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail, on doit désormais inclure le droit à la déconnexion. Ce dernier a pour objectif d’assurer le respect des temps de repos et de congé et ainsi préserver la vie personnelle et familiale des salariés.
La déconnexion est à la fois technique et intellectuelle
Afin de préserver le droit au repos du salarié, la jurisprudence s’est efforcée d’encadrer le chevauchement entre la sphère privée et la sphère professionnelle du fait de l’usage des technologies de I’information et de la communication. La Cour de cassation consacre cette notion dans un arrêt rendu le 17 février 2004. Il s’agissait en l’espèce d’un ambulancier qui avait refusé de répondre à des appels de son employeur sur son téléphone portable privé durant son temps de repos : « le fait de n’avoir pu être joint en dehors des horaires de travail sur son téléphone portable personnel est dépourvu de caractère fautif et ne permet donc pas de justifier un licenciement disciplinaire ». Ainsi, le travailleur bien que matériellement connecté n’est plus une « victime » de la « télé-subordination » . Il préserve sa santé mentale en exerçant son « droit à la déconnexion » à des heures autorisées que l’employeur doit à son tour respecter et faire respecter. Le salarié peut par conséquent ignorer les sollicitations de son employeur en dehors de son temps de travail et du régime de l’astreinte.
Les managers doivent montrer l’exemple
Les sollicitations étant potentiellement permanentes, non seulement le salarié doit pouvoir éteindre son ordinateur ou son portable et exercer sa capacité de déconnexion pendant ses vacances mais surtout l’employeur doit veiller à ce qu’il puisse le faire. Il doit en effet mettre en place des actions afin que les salariés ne se sentent pas obligés de répondre à une requête professionnelle durant leurs vacances. Les managers ont ainsi pour devoir de montrer l’exemple. Un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 24 mars 2014 retient que des appels téléphoniques ou SMS incessants en particulier en dehors des heures de travail, peuvent constituer du harcèlement moral managérial.
Rappelons enfin que la déconnexion a des effets positifs avérés pour la santé et la productivité. Lorsqu’elle est réellement mise en place et effective, le nombre d’arrêts maladie chute nettement. Décrocher de son travail pour se reposer, c’est l’assurance d’être efficace à la rentrée !
Par Françoise de Saint Sernin, Avocate associée - Cabinet SAINT SERNIN
Et Yann-Maël Larher, docteur en droit social - Okay Doc