Rupture conventionnelle : est-ce l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement qui est due ?
Publié leQue doit payer l’employeur, au minimum, quand il signe une rupture conventionnelle ? Le montant de l’indemnité légale de licenciement ou celui qui peut être beaucoup plus élevé de l’indemnité conventionnelle de licenciement. Un arrêt de la Cour de Cassation du 10 janvier 2024 donne des indications précieuses, tant sur l’indemnité applicable, que sur son calcul. Cadre Averti commente cet arrêt.
L’indemnité de rupture conventionnelle : selon le code du travail, il s’agirait uniquement de l’indemnité légale de licenciement.
L’article L.1237-13 du Code du travail précise en effet que « le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L.1234-9 ». Il s’agit de l’indemnité légale de licenciement qui est de :
- 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans (soit 2,5 mois pour 10 ans)
- 1/3 de mois de salaire pour les années supplémentaires à 10 ans.
L’indemnité légale de licenciement est l’indemnité minimum, basée sur l’ancienneté, que doit payer l’employeur quand il licencie un salarié pour « cause réelle et sérieuse », soit pour cause économique, ou pour une cause personnelle imputable au salarié (telle que l’insuffisance professionnelle ou la faute, sans aller jusqu’à la faute grave privative de toutes indemnités sauf les congés payés).
Montant de l’indemnité de rupture conventionnelle : la grande majorité des salariés du privé a droit à l’indemnité conventionnelle de licenciement !
C’est ce que rappelle la Cour de Cassation dans son arrêt du 10 janvier 2024 (n° 29-19.165). Elle cite les dispositions d’un avenant du 18 mai 2009 à l’ANI (Accord National Interprofessionnel) du 11 janvier 2008 : « L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle prévue à l’article L.1237-13 du code du travail ne peut pas être d’un montant inférieur à celui de l’indemnité conventionnelle de licenciement, lorsque celle-ci est supérieure à l’indemnité légale de licenciement. »
Certes, l’accord n’engage que les entreprises qui ont adhéré à l’un des trois syndicats patronaux signataires, à savoir le MEDEF (Mouvement Des Entreprises De France), l’UPA (Union Professionnelle Artisanale) et la CGPME (Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises). Toutefois, un arrêté du 26 novembre 2009 rend cet avenant obligatoire pour toutes les entreprises dont l’activité relève d’une convention collective de branche régie par l’un des trois syndicats patronaux, et même si elles ne sont pas adhérentes à l’un de ces derniers.
Indemnité de rupture conventionnelle : au final quels sont les salariés qui ont droit à l’indemnité conventionnelle de licenciement et ceux qui doivent se contenter de l’indemnité légale ?
Du fait de l’arrêté du 26 novembre 2009, la grande majorité des salariés du privé doit percevoir l’indemnité conventionnelle de licenciement au moment de la rupture conventionnelle. Sont exclus les salariés dont les employeurs ne sont pas signataires de l’ANI et dont l’activité est différente de celles régies par les trois syndicats patronaux. C’est le cas des salariés de la presse et de l’édition (qui perdent beaucoup au change puisque leurs conventions collectives sont très généreuses, souvent un mois de salaire par année d’ancienneté), des salariés qui travaillent pour les entreprises agricoles, pour des professions libérales, pour les employeurs du secteur de la santé et du social.
Sont exclus également bien sûr les salariés dont les employeurs ont une activité qui ne relève d’aucune convention collective, tels les employés de maison qui travaillent pour des particuliers.
L’indemnité de rupture conventionnelle peut être très différente selon que c’est l’indemnité légale ou l’indemnité conventionnelle de licenciement qui doit être prise en compte.
Le mieux pour illustrer ce point est de recourir à des exemples :
- un cadre qui relève de la plus importante convention collective en nombre d’emploi, celle de la métallurgie, qui a 55 ans et 27 ans d’ancienneté touchera 17,42 mois au titre de l’indemnité conventionnelle, alors qu’il n’aurait perçu que 8,1 mois de salaire en application de l’indemnité légale de licenciement ;
- un cadre relevant d’une autre convention très représentative, celle de la chimie, également âgé de 55 ans avec 27 ans d’ancienneté percevra, lui, 18,6 mois, toujours au lieu de 8,1 mois d’indemnité légale.
Certaines conventions collectives prévoient une indemnité conventionnelle de licenciement qui est calquée sur l’indemnité légale de licenciement et d’autres des modalités de calcul conduisant à un montant inférieur à l’indemnité légale. C’est à ce moment-là cette dernière qui s’applique.
En tout état de cause, le salarié doit comparer en fonction de son ancienneté et également en fonction de la structure de sa rémunération, quelle est l’indemnité, légale ou conventionnelle, qui est la plus favorable pour lui.
Ainsi, s’il est cadre de la métallurgie, il aura droit à une indemnité conventionnelle de licenciement de 1/5ème de mois pendant 7 ans et de 3/5ème de mois pour les années postérieures. S’il a 7 ans d’ancienneté il optera pour l’indemnité légale plus favorable, d’un quart de mois par année de présence soit 1,7 mois de salaire, au lieu de 7/5ème de mois = 1,4 mois selon la convention collective. S’il a 9 ans d’ancienneté, il choisira l’indemnité conventionnelle de licenciement de la métallurgie qui lui réservera (7 x 1/5 = 1,4) + (2 x 3/5 = 1,8) = 2,6 mois de salaire, plus favorable que l’indemnité légale de 2,25 mois de salaire.
S’il est cadre bancaire, le salarié choisira entre l’indemnité légale ou l’indemnité conventionnelle de la banque, dont le calcul est plus favorable mais qui ne s’applique que sur la rémunération fixe, excluant la rémunération variable (contrairement à l’indemnité légale qui prend en compte la totalité de la rémunération). S’il touche un bonus supérieur à 60% du fixe, il aura intérêt à opter pour l’indemnité légale de licenciement.
Autre particularité concernant la convention collective de la banque. Si le salarié est licencié pour faute, même s’il ne s’agit pas d’une faute grave privative de toutes indemnités sauf les congés payés, il ne perçoit alors que l’indemnité légale de licenciement et non pas l’indemnité conventionnelle d’environ 4/10ème de mois par année de présence due en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle. En matière de rupture conventionnelle la Cour de Cassation a tranché : c’est l’indemnité la plus élevée prévue par la convention collective qui constitue le minimum de ce qui doit être proposé au salarié prêt à signer la rupture conventionnelle.
Montant de l’indemnité de rupture conventionnelle : le salarié doit impérativement savoir à quoi il a le droit avant de négocier
Dans la pratique, un certain nombre d’employeurs (qui ne respectent généralement pas la procédure de la rupture conventionnelle prévue par le Code du travail, à savoir un ou deux entretiens où le salarié est convoqué officiellement lors desquels il peut se faire assister par un autre salarié (généralement par un élu) ou par un conseiller extérieur), se contentent de faire état de l’indemnité légale fixée par le Code du travail, d’autant plus que les sites d’informations en droit social, notamment les sites publics, indiquent que l’indemnité de rupture conventionnelle ne peut être inférieure à l’indemnité légale de licenciement, en omettant de faire référence à l’arrêté du 28 novembre 2009 qui impose à la grande majorité des entreprises du privé de payer l’indemnité conventionnelle de licenciement quand elles concluent des ruptures conventionnelles avec leurs salariés.
Certains employeurs n’hésitent pas à payer une indemnité de rupture conventionnelle inférieure à l’indemnité conventionnelle de licenciement qu’ils devraient verser, partant du principe que le salarié ne les attaquera pas, sachant qu’il ne dispose pour cela que d’un délai d’un an.
L’employeur peu scrupuleux qui entend profiter de la naïveté de son salarié pour négocier à bon compte, se montrera plus prudent et plus avisé. Ainsi, tout en affirmant au salarié qu’il n’est tenu de ne lui verser que l’indemnité légale de licenciement, il lui proposera une indemnité « transactionnelle » supplémentaire pour aboutir au total à un montant égal, ou légèrement supérieur à celui de l’indemnité conventionnelle de licenciement qui lui était due.
Ainsi, l’ingénieur chimiste, cité plus haut, âgé de 55 ans avec 27 années d’ancienneté, se verra proposer une indemnité transactionnelle supplémentaire de 11 mois de salaire s’ajoutant aux 8,1 mois d’indemnité légale censés lui être dus, soit un total de 19,1 mois, excédant les 18,6 mois de l’indemnité conventionnelle de licenciement que l’employeur devait de toutes façons lui verser au minimum dans le cadre de la rupture conventionnelle. L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle étant fixée dans l’accord de rupture conventionnelle de façon globale et non détaillée, le salarié, s’il attaque la rupture conventionnelle en justice dans le délai d’un an n’aura aucune certitude d’obtenir satisfaction, faute de pouvoir démontrer qu’il a été floué lors des discussions préalables à la signature.
Quelle est la rémunération à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité de rupture conventionnelle ?
Sur ce point également, la Cour de Cassation apporte des précisions par son arrêt du 10 janvier 2024.
Tout d’abord, c’est le mois qui précède la signature de la rupture conventionnelle, et non pas celui qui précède l’expiration du contrat de travail, qui doit être retenu. Toutefois, si au cours de ce mois-là le salarié a perçu un salaire correspondant à une périodicité autre que mensuelle, par exemple, la rémunération variable annuelle, il y a alors lieu de proratiser, c’est-à-dire de ne retenir pour le calcul de la rémunération du mois de référence, que le 12ème de la somme.