Réduction des indemnités chômage : mesures 2024 et leur impact
Publié leLe projet de décret est mis en suspens - Le 1er juillet, Gabriel ATTAL annoncera une forte réduction des droits des chômeurs qui devrait permettre d’atteindre l’objectif de 5,5 % de chômage en 2027. Quelles sont ces mesures et quels effets en attendre, sur le chômage, mais également sur l’économie ? Comme le commente Cadre averti, la réduction du chômage n’entraîne pas forcément la relance de l’économie.
Accès au chômage – durée d’indemnisation – dégressivité de l’indemnité : tour de vis général.
Le tableau suivant illustre des changements annoncés le 1er juillet mais qui ne s’appliqueront qu’en décembre 2024 :
Modalités | Actuellement | Projet de décret 1er juillet 2024 |
Condition d’affiliation | Avoir été employé pendant au moins 6 mois au cours des 24 derniers mois | Avoir travaillé 8 mois au cours des 20 derniers mois (pour les moins de 57 ans) |
Durée maximale d’indemnisation | De 18 mois à 27 mois selon l’âge | 15 mois (pour les moins de 57 ans) |
Pour les plus de 57 ans | Actuellement | Projet de décret 1er juillet 2024 |
Condition d’affiliation | Avoir travaillé 6 mois sur les 36 mois | Avoir travaillé 8 mois sur les 30 derniers mois |
Durée maximale d’indemnisation | 27 mois | 22,5 mois |
Réduction 30% des indemnités chômage au bout de 6 mois | Jusqu'à 55 ans | Jusqu'à 57 ans |
Ces mesures seront très certainement efficaces pour réduire le chômage.
Le gouvernement dénonce les salariés qui profitent du système, alternant périodes de travail et périodes de chômage, alors qu’ils n’ont pas de difficultés d’embauche. Ceux-là seront tenus de travailler plus longtemps, 8 mois au lieu de 6. Quant aux travailleurs précaires, faute de revenus, ils devront prendre n’importe quel emploi, sachant qu’il existe des pénuries d’embauche dans certains secteurs (restauration – aide à domicile).
Idem pour les séniors dont personne ne veut et qui devront se rabattre sur les seuls emplois disponibles s’ils veulent survivre financièrement en attendant leur retraite.
Les statistiques du chômage baisseront comme elles l’ont fait pour la période 2017-2023 où la France a enregistré une réduction record de 20 % du chômage en 7 ans, soit la plus forte réduction du chômage au niveau européen. Le chômage français qui était de 9,4 % en 2017, était fin 2023 de 7,5 %, soit 1,5 point supplémentaire par rapport à la moyenne européenne qui s’établit à 6 % (INSEE).
Quel est l’impact de la réduction du chômage sur l’économie française ?
Normalement 20 % de chômeurs en moins, c’est autant de travailleurs en plus qui contribuent, grâce à leur productivité, à l’enrichissement du pays, calculé à l’aune du PIB. Or, malheureusement, tel que le dénoncent Olivier GARNIER et Franck ZUBER dans leur étude « Une mesure de l’efficacité dans l’utilisation des ressources en main d’œuvre : au-delà de la productivité », « La France détient deux records opposés de l’ère post-covid : le plus important recul de la productivité horaire du travail et la plus forte hausse du nombre total d’heures travaillées. Ces éléments se compensent ... ».
Le record de la baisse du chômage français se double donc du record de la baisse de productivité des salariés français. Le graphique qu’ils produisent à l’appui de leur démonstration est édifiant.
Alors que les autres pays référencés, Allemagne, Italie, Espagne, Royaume-Uni, Etats-Unis enregistrent des taux d’augmentation de leur PIB divers, particulièrement plats pour l’Allemagne et l’Espagne, aucun n’accuse une chute de la productivité des salariés, et notamment pas l’Italie et le Royaume-Unis avec un PIB qui croit dans les mêmes proportions que celui de la France. Ne parlons pas Etats-Unis où PIB et productivité des salariés s’envolent de concert.
– 8,5 % de perte de productivité en 5 ans pour l’ensemble des salariés français depuis 2019 : Quelles sont les raisons ?
Le Gouvernement a demandé à la Banque de France d’identifier pourquoi la productivité en France a chuté de 8,5 % par rapport à sa tendance pré-covid en 2019 et notamment pourquoi les créations d’emplois ont été plus dynamiques que le PIB (qui n’a augmenté entre 2017 (2.415,10 milliards d’euros) et 2023 (2.565,30 milliards d’euros), que de 6,22 %.
Les raisons du décrochage telles qu’illustrées par le tableau ci-dessous :
seraient les suivantes :
A hauteur de 3,1 %, la chute serait due à « une composition moins qualifiée de l’emploi »
3,1 % |
|
1,8 % | Autre cause, certains secteurs économiques étant en panne (notamment l’immobilier), les salariés ne seraient pas tous licenciés. Ceux qui restent sont maintenus à ne rien faire en attendant la reprise. Leur productivité est en berne : 1,8 % |
Après avoir documenté la perte de productivité des travailleurs français à hauteur de 3,1 % + 1,8 % = 4,9 %, la Banque de France parvient à cette conclusion sidérante. La différence, soit 3,6 %, soit près de la moitié des 8,5 %, resterait inexpliquée.
Et si la raison de la perte inexpliquée de la productivité des salariés était d’ordre subjectif ?
Dans le rapport établi par la Banque de France, une expression choque : il est fait mention de « stock de ressources humaines ». Contrairement aux autres ressources, il faut prendre en compte quand l’on gère des ressources humaines, l’aspect subjectif. A l’heure actuelle, les relations sont particulièrement tendues entre les employeurs et les salariés.
Les premiers confrontés à des pénuries d’embauches fustigent des salariés devenus cyniques et fainéants, qui se comportent en mercenaires. L’esprit du décret sur le chômage attendu le 1er juillet 2024 est bien dans l’air du temps. Pour réduire le chômage, c’est simple, il suffit de supprimer progressivement les indemnités chômage.
De leur côté, les salariés sont devenus très méfiants vis-à-vis de l’entreprise, vivant à partir de la cinquantaine dans la crainte d’être licenciés sans pouvoir retrouver du travail (puisque les deux tiers sont licenciés avant 60 ans alors que l’âge de la retraite a été reporté à 64 ans). Quant aux jeunes, très prisés sur le marché de l’embauche et qui se préoccupent d’emblée des conditions de travail plutôt que de s’investir dans l’entreprise, beaucoup sont marqués par la fin de carrière calamiteuse de leurs parents bien mal récompensés de leurs années de dévouement pour leur employeur. Les parents subissent et les enfants ne pardonnent pas.
A cela s’ajoute l’insécurité juridique, et plus particulièrement le barème Macron qui permet à l’employeur de se séparer d’un salarié sans bourse délier quelles que soient les raisons de la rupture, (les grandes anciennetés permettant au salarié d'obtenir encore une indemnité judiciaire significative se faisant rare). Le fait d’empêcher les juges de rendre la justice en appréciant à sa juste mesure le préjudice subi par un salarié et en condamnant l’employeur en conséquence, a rompu le climat de confiance qui existait, et altéré profondément les relations entre employeurs et salariés.
Pourtant pour mettre fin aux comportements de "démission silencieuse" et restaurer la productivité des salariés, c'est simple, il suffit de rétablir progressivement la confiance et la motivation.