Plan de départ volontaire proposé de mauvaise foi : la justice sanctionne
Publié leBeaucoup de candidats et peu d’élus. Tel est le plan de départ volontaire mis en œuvre par l’employeur de mauvaise foi, qui allèche les salariés avec des avantages substantiels pour au final, les obliger à démissionner. Pour la première fois, la justice, tel que le commente Cadre Averti, sanctionne ce genre de pratiques.
Qu’est-ce qu’un plan de départ volontaire ?
C’est une incitation faite au salarié de se porter candidat au départ en empochant des indemnités favorables (sinon personne ne lèverait le doigt).
Il y a deux sortes de plans de départ volontaire. Celui qui intervient en amont d’un PSE, ce dernier commence alors par un « volet volontariat » favorisant le départ des volontaires, ce qui permet de réduire, ou même de supprimer, s’il y a suffisamment de candidatures, les licenciements « contraints ».
L’employeur peut également proposer unilatéralement sans être tenu de consulter les partenaires sociaux, un plan de départ volontaire, mais ce, à la condition qu’aucun licenciement économique ne soit envisagé, même en cas d’échec du plan.
Les avantages du plan de départ volontaire
Ils sont divers et peuvent être particulièrement attractifs.
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Partir avec des indemnités
Quand il est prévu de démarrer un PSE par une période de « volontariat », les salariés perçoivent les mêmes indemnités que ceux qui, dans un deuxième temps subiront un licenciement économique. Les indemnités peuvent donc être élevées s’il s’agit d’une grande entreprise et si les partenaires sociaux ont bien négocié.
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Percevoir des indemnités exonérées de charges sociales et d’impôts
En effet, les salariés qui partent dans le cadre du PDV perçoivent les indemnités du PSE, et ce même si c’est eux qui provoquent la rupture de leur contrat de travail plutôt que de la subir. Un salarié ancien cumulera ainsi son indemnité légale ou conventionnelle de licenciement qui est en tout état de cause exonérée fiscalement avec une indemnité supplémentaire dite « supra légale » négociée avec les représentants du personnel, également exonérée fiscalement, quel qu’en soit le montant.
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Bénéficier du chômage
Le salarié volontaire au départ a droit aux indemnités Pôle Emploi, tout comme celui qui accepte une rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Toutefois, ces avantages ont souvent un revers. Ce sont bien entendu les salariés les mieux armés, ceux qui sont sûrs de pouvoir se repositionner facilement qui seront tentés par les avantages du PDV. Or, ce sont justement ceux que l’employeur veut retenir ! D’abord pour leurs compétences, et également en raison de leur niveau d’indemnisation, les collaborateurs les plus brillants ayant une rémunération élevée.
Plan de départ volontaire ou « miroir aux alouettes » ?
Si l’on pouvait consulter le registre d’entrée et de sortie du personnel des entreprises qui procèdent de mauvaise foi à un plan de départ volontaire, on s’apercevrait que les salariés qui ont au final bénéficié des indemnités généreuses du plan, sont beaucoup moins nombreux que ceux qui ont donné leur démission dans les semaines ou mois qui ont précédé.
Au final, la réduction d’effectif visée par le plan, soit le nombre de collaborateurs qui ont quitté la société, est atteinte, l’employeur a réalisé des économies substantielles puisqu’un petit nombre seulement a pu au final percevoir les indemnités du PDV qui étaient forcément attractives pour appâter les candidats.
Il suffit alors pour l’employeur d’annoncer à l’avance le plan de départ volontaire, pour reculer ensuite indéfiniment la période d’ouverture des candidatures.
Les salariés qui sont intéressés à partir, pas uniquement pour les indemnités, mais parce que leur poste est supprimé ou que leurs conditions de travail sont dégradées, cherchent alors un autre emploi à l’extérieur, persuadés que leur candidature au plan sera acceptée et qu’ils partiront avec les indemnités prévues.
Le collaborateur qui avait reçu l’assurance de son N+1 ou des RH, que sa candidature au PDV serait acceptée, et qui s’engageait dans le cadre d’un nouveau contrat de travail, était dans l’obligation, pour respecter sa date butoir d’embauche, de démissionner, le PDV annoncé depuis des mois sinon des années n’étant toujours pas ouvert. Jusqu’à présent, il n’avait aucun recours contre l’employeur.
PSE mis en place de mauvaise foi. Les démissions des salariés sont requalifiées en licenciements fautifs.
La Cour de Cassation se prononce, le 17 janvier 2024 (n°22-2022.561 – 22-564), sur le cas de plusieurs salariés qui se plaignaient d’avoir été trompés par l’employeur.
Ce dernier avait en effet, dès l’annonce du PSE en juillet 2017, laissé entendre que les collaborateurs qui avaient retrouvé un emploi à l’extérieur, pourraient partir dans le cadre d’un plan de départ volontaire anticipé.
L’employeur faisait exprès de faire trainer en longueur la mise en place du plan, provoquant exprès un refus d’homologation de ce dernier pour gagner du temps, et c’est seulement en avril 2018 que les salariés qui avaient trouvé un emploi à l’extérieur pouvaient accéder au volet « volontariat ». Un certain nombre de salariés qui avaient postulé ailleurs en raison des promesses qui leur avaient été faites et qui, ne pouvant plus attendre, avaient démissionné, saisissaient le Conseil de Prud’hommes pour obtenir que leur démission soit requalifiée en licenciement abusif.
La Cour de Cassation constate qu’« en laissant les salariés dans l’ignorance quant aux négociations de l’accord qui sera finalement conclu en avril 2018, la société a délibérément exclu les salariés de ce dernier, les contraignant soit à refuser l’embauche proposée par un autre employeur en attendant l’adoption définitive du PSE, soit à démissionner ».
Les multiples causes de refus d’une candidature au plan de départ volontaire
Les délais qui s’allongent indéfiniment ne sont pas le seul obstacle auquel est confronté le candidat au PDV.
A la lecture du plan, il constatera souvent que la société se réserve de ne pas donner suite à sa demande, pour un certain nombre de raisons :
- parce qu’il est un key people et que l’entreprise doit pouvoir conserver sa compétence ;
- parce que sa candidature est tardive, le « quota » du PDV étant atteint (et ce sans qu’il puisse vérifier) ;
- parce qu’il n’occupe pas un poste directement impacté par le PSE et que son départ ne permettrait pas de procéder à un reclassement etc.
Les pièges sont donc nombreux avec une conséquence dommageable pour le salarié qui « levant le doigt » pour partir, a révélé son manque d’attachement et d’implication pour l’entreprise. Il ne sera donc plus considéré comme un élément fiable et n’aura souvent d’autre choix sur la durée que de chercher ailleurs et de quitter l’entreprise, mais sans les indemnités du PDV.