Négocier une rupture conventionnelle ou exiger un licenciement économique ?
Publié leA présent, l’employeur qui annonce à un salarié que son poste est supprimé, lui propose souvent de négocier une rupture conventionnelle plutôt que d’être licencié pour cause économique. Est-ce l’intérêt du salarié ? La comparaison des avantages et inconvénients de la rupture conventionnelle et du licenciement économique s’impose.
1) Le préavis : avantage au licenciement économique
Quand l’employeur propose au salarié de négocier une rupture conventionnelle, comme il s’agit sur le papier d’une rupture d’un commun accord, il n’y a pas de délai de préavis. Le salarié dispose d’un délai de 15 jours à compter de la signature de l’accord de rupture conventionnelle pour se rétracter de cette dernière. Le premier délai écoulé, intervient alors un nouveau délai de 15 pour l’homologation de la rupture conventionnelle par la DRIEETS (inspection du travail), l’homologation étant réputée « tacite » à la fin du délai. Il s’écoule donc un mois entre l’accord de rupture conventionnelle et l’expiration du contrat de travail.
En cas de licenciement économique, le salarié qui est généralement dispensé d’effectuer son préavis puisque son poste est supprimé, doit toucher son indemnité de préavis qui est généralement de trois mois de salaire pour les cadres, mais qui peut être supérieure (à titre d’exemple six mois de préavis pour les cadres de la métallurgie âgés de 50 ans et plus). A l’indemnité de préavis s’ajoutent les congés payés sur préavis, soit 1/10ème supplémentaire.
2) L’indemnité de départ : égalité entre les deux
Quand il se sépare d’un salarié, l’employeur est tenu de lui verser, sauf en cas de faute grave ou lourde, une indemnité de licenciement fixée par la convention collective ou la loi et qui est au minimum égale à 1/4 de mois de salaire par année de présence jusqu’à 10 ans d’ancienneté, et à 1/3 de mois de salaire pour les années au-delà de 10 ans (indemnité légale de licenciement).
L’employeur qui négocie une rupture conventionnelle avec le salarié est tenu de lui verser une indemnité de rupture conventionnelle qui ne peut être inférieure à l’indemnité légale ou conventionnelle qu’il toucherait en cas de licenciement.
Toutefois, en cas de licenciement économique, et dès qu’il s’agit d’un licenciement économique collectif, portant au moins sur deux personnes, des discussions interviennent avec les représentants du personnel qui négocient souvent une indemnité supplémentaire basée sur l’âge, l’ancienneté, la situation de famille, etc...
3) Le contrat de sécurisation professionnelle : avantage au licenciement économique
En cas de négociation d’une rupture conventionnelle l’employeur n’est pas tenu de proposer un accompagnement pour permettre au salarié qui a perdu son emploi d’en retrouver un autre.
En cas de licenciement économique, l’entreprise dont l’effectif est inférieur à 1.000 salariés, doit proposer au collaborateur qui a plus d’un an d’ancienneté un contrat de sécurisation professionnelle. Il s’agit d’un contrat tri partite entre pôle emploi, l’employeur et le salarié.
S’il accepte, le salarié :
- sera accompagné par un conseiller pôle emploi pour l’aider à se repositionner,
- percevra pendant un an une allocation correspondant à 75 % de son salaire au lieu de l’indemnité chômage de 57 %,
- sera réintégré au bout de 12 mois, s’il n’a pas retrouvé d’emploi, au régime normal du chômage,
- ne subira pas la période de carence (de 5 mois maximum) qui lui aurait été appliquée s’il s’était inscrit directement à pôle emploi,
- repoussera d’un an la dégressivité (30 %) des indemnités pôle emploi applicable au bout de six mois d’indemnisation chômage aux salariés de moins de 57 ans qui gagnent plus de 4.500 € par mois.
En revanche, s’il accepte le CSP, le salarié renonce à toucher son indemnité de préavis qui est versé par l’employeur à pôle emploi (dans la limite de trois mois). Le salarié qui pense pouvoir prendre un autre emploi rapidement n’a donc pas intérêt à prendre le CSP. Il sera donc plus enclin à négocier une rupture conventionnelle.
4) Le congé de reclassement : avantage au licenciement économique
Dans les entreprises de plus de 1.000 salariés, le collaborateur licencié pour cause économique a droit à un congé de reclassement lui permettant de bénéficier d’une aide au repositionnement professionnel, généralement assuré par un cabinet d’outplacement. Le congé de reclassement est au minimum de 4 mois englobant le préavis, soit un mois supplémentaire pour les cadres, avec une rémunération d’au moins 65 % pour la partie excédant le préavis.
Toutefois, il n’appartient pas à l’employeur de fixer à sa guise la durée et la rémunération du congé de reclassement pour chaque salarié licencié économiquement. Le congé de reclassement résulte d’une discussion et d’un accord entre la direction de l’entreprise et les représentants du personnel. Il s’applique à tous les salariés licenciés économiquement. Le congé peut être important, voire s’il s’agit d’une grande entreprise, dépasser les 12 mois maximum prévus par le code du travail avec une rémunération peu amputée (80 % !).
Le salarié incité à négocier une rupture conventionnelle de son contrat de travail devra prendre en compte cet avantage.
5) La priorité de réembauche : avantage au licenciement économique
Si le salarié qui a été licencié pour cause économique constate que son entreprise recrute, au même poste que le sien, ou à un poste similaire, ou encore à un poste pour lequel il a acquis entretemps la compétence, il peut demander à être prioritairement réembauché à ce poste, et ce pendant un délai de 12 mois suivant l’expiration de son préavis. A défaut, l’employeur peut être condamné à une pénalité fixée au minimum à un mois de salaire. Surtout, si le salarié a contesté son licenciement devant le Conseil de Prud’hommes, il aura alors matière à faire valoir que la cause économique invoquée n’était pas fondée et/ou qu’il existait des opportunités de reclassement qui ne lui ont pas été proposées. Voilà des arguments qu’il pourra faire valoir dans le cadre de la négociation de la rupture conventionnelle.
6) La contestation de la rupture : avantage au licenciement économique
Le salarié qui signe un accord de rupture conventionnelle dispose d’un délai de 15 jours pour se rétracter. Par la suite il pourra, pendant un délai d’un an à compter de l’homologation, contester la rupture conventionnelle devant le Conseil de Prud’hommes. Toutefois, il devra alors prouver qu’au moment de la signature de la rupture conventionnelle il y a eu vice du consentement parce qu’il a été soit trompé, soit forcé. Ainsi, dans le deuxième cas, il fera état des pressions dont il a fait l’objet, pouvant même aller jusqu’au harcèlement moral. S’il gagne en justice, la rupture conventionnelle ne sera pas annulée mais requalifiée en licenciement abusif et il percevra des dommages et intérêts compensant son préjudice. Toutefois, il devra disposer d’arguments très convaincants.
Il est beaucoup plus facile pour le salarié licencié pour cause économique d’obtenir gain de cause devant le Conseil de Prud’hommes. Ainsi, il peut faire valoir l’absence d’une réelle cause économique, ou dénoncer les conditions dans lesquelles le licenciement pour cause économique lui a été appliqué : pas de recherche de reclassement, pas de respect de l’ordre et des critères du licenciement, etc... Si l’employeur est conscient des failles du licenciement il sera prêt, pour éviter une condamnation judiciaire, à proposer une indemnité transactionnelle supplémentaire.
Le salarié incité à négocier une rupture conventionnelle sera en position de force pour obtenir une majoration de l’indemnité de rupture conventionnelle au-delà du minimum fixé par la loi (soit la seule indemnité légale ou conventionnelle de licenciement).
7) Négocier une rupture conventionnelle après 62 ans
Attention, dans un tel cas, à la rupture conventionnelle !
Si le salarié, qui a accepté la rupture conventionnelle, est âgé de 62 ans ou plus au moment de l’homologation de la rupture conventionnelle, le montant versé dans le cadre de cette dernière ne sera pas considéré comme une indemnité mais comme un salaire. Il sera intégralement soumis, dès le premier euro, aux charges sociales et à l’impôt sur le revenu. En effet, le salarié a la possibilité de prendre sa retraite à 62 ans, ce même s’il n’a pas cotisé le nombre de trimestres nécessaires pour prétendre à la retraite à taux plein, et avec donc des indemnités de retraite réduites. De ce seul fait, il perd les avantages sociaux et fiscaux attachés aux indemnités de licenciement qui ne sont plus transposables à l’indemnité de rupture conventionnelle dès que le salarié est « retraitable » sur le papier.
Rappelons en quoi consistent ces avantages :
- Le montant correspondant à l’indemnité légale et conventionnelle n’est soumis aux charges sociales que pour la partie qui excède le plafond de 82.632 €, il est exclu en totalité de l’impôt sur le revenu,
- Le montant correspondant à l’indemnité supplémentaire est soumis à la CSG/CRDS pour la partie qui ajoutée à l’indemnité légale et conventionnelle de licenciement est inférieure à 82.632 €, la partie supérieure à ce plafond étant soumise aux charges sociales. Il est assujetti à l’impôt sur le revenu pour la partie qui ajoutée à l’indemnité conventionnelle excède le premier des deux plafonds atteint, soit deux ans de salaire, soit 247.896 €.
Le salarié incité à négocier une rupture conventionnelle de son contrat de travail et qui peut prétendre à des sommes importantes exigera que la rupture prenne la forme d’un licenciement économique.
8) Assurance perte d’emploi : désavantage à la rupture conventionnelle
Dans un tel cas le salarié doit faire preuve de prudence. La plupart des contrats d’assurance en matière de prêt immobilier prévoient en effet que le salarié n’a droit à l’indemnisation de la « perte d’emploi » que s’il a subi cette dernière, dans le cadre d’un licenciement qui lui a été infligé par l’employeur. Or, la rupture conventionnelle étant censée intervenir d’un commun accord, la responsabilité de la rupture est partagée et beaucoup d’assureurs refusent d’indemniser le salarié poussé dehors par son employeur mais qui a accepté de signer une rupture conventionnelle sans vérifier les termes de son contrat d’assurance perte d’emploi.
Conclusion
Avant de négocier une rupture conventionnelle qui lui est proposée par son employeur comme alternative à un licenciement pour cause économique, le salarié doit avoir une connaissance précise des avantages du licenciement économique. Il faut ainsi être vigilant pour éviter les pièges de ce mode de rupture souvent présenté comme plus attrayant. Dans certains cas, le salarié devra ainsi refuser la rupture conventionnelle et exiger le licenciement économique.