Le lieu de travail fixé dans le contrat peut-il être modifié sans l'accord du salarié ?

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Le lieu de travail fixé dans le contrat peut-il être modifié sans l'accord du salarié ?

Contrairement à ce que croient souvent les salariés, le fait que leur lieu de travail soit mentionné dans leur contrat de travail n'empêche pas l'employeur de changer le lieu de travail sans leur accord, ce même en l'absence de clause de mobilité. La Cour de cassation le rappelle par un arrêt du 23 octobre 2024.

Dans quelles conditions l'employeur peut-il modifier le lieu de travail ?

L'employeur peut toujours soutenir que le lieu d'exécution du travail mentionné dans le contrat de travail n'était qu’indicatif et imposer au salarié un autre lieu de travail, ce dans la mesure où le changement géographique ne constitue pas une modification essentielle des conditions de travail du salarié, puisqu’intervenant dans un « même secteur géographique ». 

Quelle est la définition du « même secteur géographique » ?

Il n'y a pas de règles définies par le Code du travail tels qu'une distance kilométrique ou un temps de trajet, mais uniquement une interprétation, au coup par coup, par le Conseil des prud'hommes.

Ainsi, quand le salarié ne subit pas une profonde modification de ses conditions de travail, tel que par exemple l'obligation de déménager, et que son temps de transport, même s'il est augmenté, reste acceptable, il devra accepter la modification. 

À titre d'exemple, un salarié habitant et travaillant à Grasse, qui a refusé une mutation à Antibes (25 km à vol d'oiseau avec une moyenne de 30 minutes par trajet) a vu son licenciement pour faute confirmé (Cour d'appel d'Aix-en-Provence 12/11/2015, n°14/15402).

C'est également le cas tout récemment d'un salarié qui sommé, alors qu'il était déjà licencié, d'effectuer son préavis dans un autre lieu que celui où il travaillait jusqu'alors, refusait, au motif que l'employeur ne pouvait pas modifier unilatéralement les conditions de travail pendant le préavis. À tort selon la Cour de cassation qui le 22 octobre (n°22-22.917) confirmait le licenciement de ce salarié, pour faute grave, en cours de préavis.

Ce changement de lieu de travail, même pendant le préavis, relevait du pouvoir de direction de l'employeur et la gêne que cela occasionnait pour le salarié n'était pas suffisante pour caractériser une modification « essentielle » du contrat de travail.

Comment faire pour empêcher l'employeur de modifier le lieu de travail ?

Il faut alors le prévoir dès le départ, lors de la signature du contrat de travail.

Ainsi, si un salarié considère que le maintien du lieu de travail est pour lui impératif en raison par exemple de ses charges de famille, notamment s'il a de jeunes enfants, il devra faire mentionner dans son contrat que le lieu de travail est fixé de façon « exclusive ».

Le lieu de travail étant alors déterminé contractuellement, l'employeur devra obtenir l'accord du salarié pour toute modification, aussi bénigne soit-elle. Si le salarié refuse, il ne pourra pas être sanctionné. L'employeur, s’il entend le licencier, ne pourra le faire que pour cause économique, en faisant valoir que le changement de lieu de travail s'imposait pour des raisons d'organisation de l'entreprise.

Le salarié qui a signé une clause de mobilité est-il tenu d'accepter toute modification de son lieu de travail ? 

Souvent, l'employeur prévoit dans le contrat de travail une « clause de mobilité » par laquelle le salarié s'engage à l’avance à accepter toute mutation géographique en France ou même à l'étranger.

Le salarié qui a signé un tel engagement est tenu de s'y conformer. À défaut, il pourrait être licencié pour faute grave.

Toutefois, l'employeur doit prouver qu'il exerce la clause de mobilité à bon escient.

Ainsi, un employeur se réservait quand il fermait un magasin, de faire signer aux salariés concernés une clause de mobilité. Il suffisait alors, lors de la fermeture affective, d’infliger aux salariés des mutations géographiques inacceptables, de provoquer leur refus pour pouvoir les licencier pour faute sans aucune indemnité, et de se dispenser ainsi de procéder à des licenciements économiques, beaucoup plus coûteux. La Cour d'appel de Riom (7 mars 2023, n°21/01.043) énonce que « la mise en œuvre de la clause de mobilité géographique doit être dictée par l'intérêt légitime de l'entreprise et ne doit pas être détournée par l'employeur en l'utilisant pour une raison différente de celle pour laquelle elle a été prévue. »

De la même façon, l’employeur ne peut utiliser la clause de mobilité de mauvaise foi, partant du principe que lorsqu'il voudra se séparer d'un salarié sans raison objective, il pourra alors lui imposer une mutation géographique inacceptable. 

Si le salarié refuse et conteste, l'employeur devra alors démontrer que la mise en œuvre de la clause intervenait uniquement dans l'intérêt de l'entreprise. Ainsi, le fait de muter une mère de famille de 4 enfants à l'étranger alors que le poste aurait pu être proposé à un célibataire sera suspect.

L'employeur peut-il modifier le lieu de travail d'un salarié protégé ?

Aucun changement des conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé (membre du CSE – délégué syndical…). En raison de la protection supplémentaire dont il doit bénéficier pour exercer son mandat en toute indépendance, la modification de ses conditions de travail ne peut intervenir sans son accord. À défaut, le salarié protégé pourra s'adresser à l'inspecteur du travail pour être rétabli dans ses fonctions.


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