Indemnité de licenciement : que devient le parachute doré ? Quelle est la jurisprudence aujourd’hui ?

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Indemnité de licenciement : que devient le parachute doré ? Quelle est la jurisprudence aujourd’hui ?

Si elle existait en France avant 2017, la pratique du parachute doré ou indemnité contractuelle de licenciement s’est vulgarisée depuis le plafonnement des indemnités du licenciement abusif en 2017 (barème Macron). Conscients qu’ils ne pourront pas se faire indemniser en cas de licenciement, les salariés en position de force négocient leur « package de sortie » au moment de leur embauche. Quelle est la réaction du juge prud’homal à cette américanisation du droit du travail ? Cadre averti commente 3 ou 4 décisions récentes.

En France l’employeur n’est pas tenu de payer le parachute doré lors du licenciement

Aux Etats-Unis et dans la plupart des pays où il est pratiqué, le golden parachute a valeur contractuelle. L’employeur qui l’a fait figurer dans le contrat de travail devra le payer lors du licenciement. En France l’employeur, au lieu de payer l’indemnité pourtant appelée « contractuelle de licenciement » peut faire valoir, au moment du départ du salarié, qu’il s’agit d’une « clause pénale », soit une clause intimidatrice dont le montant peut être modifié par les juges en application de l’article 1152 du code civil : « le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire »

Le salarié sera alors tenu de saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir le paiement de son parachute doré. Ce n’est donc qu’à l'issue de la procédure prud’homale qu’il récupèrera tout ou partie de la somme pourtant promise.

Avant 2017 le « golden parachute » faisait double emploi avec les indemnités pour licenciement abusif.

Avant 2017, le salarié signait sereinement son nouveau contrat de travail sans se préoccuper d’obtenir des garanties contre le licenciement. Il savait que si ce dernier intervenait de façon abusive il pourrait alors obtenir du Conseil de prud’hommes des dommages et intérêts adaptés à son préjudice et que pour éviter une condamnation prud'homale l’employeur lui proposerait une indemnité transactionnelle de licenciement.

Contrairement à ce qui était soutenu lors de la mise en place du barème Macron en septembre 2017, les juges étaient raisonnables, s’attachant à indemniser le véritable préjudice. En 2017, la moyenne des condamnations prononcées en cas de licenciement abusif reconnu, était de 8 mois de salaire pour les cadres et de 10 mois pour les employés. La grande majorité des salariés obtenait 6-8 mois de salaire et c’était uniquement ceux qui, généralement âgés, restaient au chômage longtemps ou définitivement qui percevaient des dommages et intérêts plus conséquents.

C’est donc dans des cas particuliers que, pour se prémunir contre le licenciement, le salarié négociait un parachute doré lors de son embauche, par exemple :

  • Risque de vente de la société
  • En cas de démission chez le précédent employeur : perte de bonus de l’année et/ou renonciation à une grande ancienneté
  • Crainte d’un licenciement rapide après avoir apporté à son nouvel employeur son know-how et son réseau de clientèle.

Avant 2017 les parachutes dorés étaient examinés avec sévérité par le juge prud’homal

En effet, non seulement il n’existe pas de décision augmentant le montant de l’indemnité contractuelle, mais nombreuses étaient celles qui réduisaient le montant du parachute doré, souvent de façon importante, au motif que la finalité de ce dernier était de rendre difficile, sinon impossible, la rupture par l’employeur du contrat de travail en raison de son coût. Or, l'employeur doit toujours pouvoir conserver la faculté de licencier.

L’intérêt du salarié était alors de « causer » l’indemnité contractuelle de licenciement, soit de préciser les raisons pour lesquelles il exigeait, au moment de l’embauche, une garantie. Toutefois, c’est au moment du licenciement et non pas de l’embauche que le juge apprécie s’il faut maintenir le parachute doré ou le réduire en raison de son caractère disproportionné ou excessif.

Depuis 2017 les dommages et intérêts judiciaires pour licenciement abusif ont été réduits « à peau de chagrin »

Depuis la mise en place du barème Macron en septembre 2017, les juges, quand ils constatent qu’un licenciement est abusif, sont tenus d’indemniser les salariés, non pas en fonction de leur préjudice mais en fonction de leur ancienneté. Or, à l’heure actuelle, plus que jamais, ce sont les salariés victimes de discrimination pour âge et qui ne peuvent pas se repositionner qui sont très affectés par le licenciement, et ce quelle que soit leur ancienneté.

Ainsi, à titre d’exemple, le salarié licencié à 55 ans alors qu’il a 3 ans d’ancienneté percevra, si le Conseil de prud’hommes reconnaît le caractère abusif de son licenciement, une indemnité maximum de 4 mois de salaire, et ce quand celui qui a également 55 ans mais 30 ans d’ancienneté pourra toucher jusqu’à 20 mois de dommages et intérêts pour licenciement abusif sans compter son indemnité conventionnelle de licenciement calculée sur 30 ans. Or, le préjudice est le même, à 55 ans tous deux rencontreront de grandes difficultés pour retrouver un emploi, et ce à 9 ans de la retraite !

Certes, les salariés totalisant une grande ancienneté sont de plus en plus rares, l’idée de faire carrière dans la même entreprise étant totalement obsolète, tant pour l’employeur que pour le salarié.

Or, cette totale insécurité pour les salariés a été dénoncée par le CEDS (Comité Européen des Droits Sociaux) selon une décision du 23 mars 2022 à laquelle la France refuse de se conformer, alors que pourtant la violation de la charte européenne des droits sociaux qui exige une juste réparation du licenciement abusif est caractérisée.

Une telle situation est nocive à la fois pour les salariés qui ne travaillent plus en confiance, mais également pour l’employeur qui ne peut plus attendre d’eux la même implication et le même engagement que celui de leurs aînés.

La Jurisprudence clarifie le parachute doré : montants et conditions d'application plus favorables aux salariés

Ainsi :

- Cour d’appel de Versailles, 8 septembre 2021, n°18/04547

Un salarié, licencié après 26 ans d’ancienneté pour insuffisance professionnelle, avait négocié une indemnité contractuelle de licenciement de 12 mois de salaire. Ainsi il perçoit à ce titre une somme de 140.000 € lors du versement de son solde de tout compte. Estimant que son licenciement est abusif il saisit quand même le Conseil de prud’hommes. 

La réaction de la société est alors de soutenir que « c’était indûment qu’elle avait versé l’indemnité contractuelle de licenciement au salarié » et qu’il convenait de ramener cette dernière à de plus justes proportions, ce dans la mesure où le salarié avait déjà touché une indemnité conventionnelle de licenciement assise sur ses 26 ans d’ancienneté, alors que son licenciement était par ailleurs totalement justifié. 

La Cour d’appel maintient le montant du parachute doré estimant que ce dernier n’a aucun caractère excessif, et confirme qu’il n’y a pas lieu de la confondre avec les dommages et intérêts pour licenciement abusif, accordant au salarié à ce titre une somme de 190.000 €. Le salarié, qui touchait un salaire de 10.423 €, perçoit au final une indemnisation de plus de 31 mois de salaire (sans compter son indemnité conventionnelle de licenciement).

Cour d’appel de Paris, 9 mars 2023, n°11/08422

Il s’agit là d’un salarié qui exerce une activité d’agent immobilier et qui apporte, à l’évidence, son fonds de commerce à la société immobilière qui l’embauche. Il négocie, outre un salaire fixe de 100.000 € par an, une rémunération variable garantie pour la première année de 250.000 €, ainsi qu’une indemnité contractuelle de licenciement lui assurant un montant de 300.000 € en cas de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur dans un délai de 3 ans. Or, un an et demi plus tard, il est licencié pour faute grave. Comme par hasard, sa clause de non-concurrence est maintenue, l’employeur refusant toutefois de lui payer l’indemnité de non-concurrence en arguant d’une violation de la clause.

La cour maintient, au final, le montant de 300.000 € convenu selon la motivation suivante :

« L’indemnité de licenciement, lorsqu’elle est prévue au contrat, a le caractère d’une clause pénale réductible. En l’espèce, alors que Monsieur (D) a été débauché de l’entreprise où il travaillait précédemment et que les conditions de versement de cette indemnité ont été expressément débattues par les parties ainsi qu’il en ressort du projet d’avenant en date du 14 janvier non signé par les parties par comparaison avec l’avenant du 17 janvier 2008, le caractère manifestement excessif de la clause n’est pas établi. » 

On constate que même si c’est au moment de son exécution, c’est-à-dire du licenciement, que le juge doit apprécier si l’indemnité contractuelle a un caractère excessif ou non, en l’occurrence dans le cas présent il a été tenu compte des circonstances dans lesquelles cette dernière avait, au départ, été accordée, d’où l’utilité pour le salarié de mentionner lors de l’établissement de la clause de l’indemnité contractuelle les raisons pour lesquelles il la réclame.

Le salarié obtient également des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais particulièrement modérés, puisque s’agissant d’une somme de 25.000 €, ce au regard de son âge (40 ans) et de la brièveté de son emploi chez son nouvel employeur (21 mois). Le salarié obtient également une somme de 97.728 € au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence et 122.664 € au titre de la rémunération variable correspondant à l’année du licenciement.

Cour d’appel de Bastia, 1er juin 2022, n°21/00069

C’est un arrêt extrêmement intéressant que rend la Cour d’appel de Bastia concernant une salariée qui, embauchée en qualité d’assistante de direction statut cadre, avait négocié une indemnité contractuelle portant sur une somme de 75.000 € net, qui devait lui être versée dans les conditions suivantes :

« En cas de rupture du contrat de travail, et ce pour quelque motif que ce soit, et quelle que soit la partie ayant rompu le contrat de travail, Madame (U) percevra alors une indemnité forfaitaire de départ d’un montant net de charges sociales de 75.000 €. Cette indemnité sera versée automatiquement dès la fin du contrat de travail de la salariée. »

Or, la salariée qui avait été embauchée le 1er janvier 2012, signait le 27 décembre 2014, une rupture conventionnelle de son contrat de travail. Six mois plus tard, elle saisissait le Conseil de prud’hommes pour réclamer son indemnité contractuelle de 75.000 €.

Bien entendu, l’employeur réagissait de façon virulente, allant jusqu’à déposer une plainte pénale à l’encontre de la salariée. Devant le Conseil de prud’hommes il soutenait que la salariée, faute d’avoir demandé dans le délai d’un an la nullité de la rupture conventionnelle elle ne pouvait plus réclamer de demande financière du fait de la prescription. Ce à quoi la salariée répondait qu’elle n’entendait aucunement remettre en cause la rupture conventionnelle mais uniquement réclamer par ailleurs l’indemnité contractuelle de licenciement, demande formulée dans le délai d’un an suivant la fin du contrat de travail.

Or, au final, la salariée obtenait gain de cause, soit la somme de 75.000 €, la Cour d’appel confirmant que la salariée pouvait signer une rupture conventionnelle de son contrat de travail et par ailleurs réclamer devant le Conseil de prud’hommes son parachute doré qui n’avait pas été réglé. Concernant cette dernière elle estimait que l’employeur ne démontrait son caractère abusif.

La Cour d’appel refusait de minorer le montant de l’indemnité contractuelle au motif qu’il ne s’agissait pas d’une clause pénale et que l’indemnité était due en tout état de cause à la salariée. Par ailleurs, selon la Cour, l’employeur échouait à démontrer en quoi l’indemnité était excessive.

La question qui se pose est de savoir à quoi correspondait cette indemnité de 75.000 € qu’une salariée assistante de direction s’était réservée d’obtenir lors de la rupture de son contrat de travail, ce alors qu’il n’y a pas de possibilité d’accéder au jugement du Conseil de prud’hommes.


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