Grande démission - pourquoi les consultants sont les plus touchés ?
Publié leAvec un turnover qui avoisine les 30 %, les métiers du conseil ont de plus en plus de difficultés pour recruter des candidats. Recruteurs et candidats s’accordent à dire que les cabinets souffrent d’un déficit d’attractivité par rapport aux entreprises. Mais quelles sont les véritables raisons ?
Démission, Covid 19 et croissance record
Les difficultés de recrutement structurelles ne sont pas un phénomène nouveau en soi. Mais les causes de départ ont changé depuis la crise de la Covid-19. La demande de flexibilité accrue et l’épuisement professionnel massif sont deux grandes tendances décrites pendant la pandémie. Du fait de la dématérialisation de leurs services, les entreprises du conseil n’ont pas véritablement souffert de la crise, si bien que les salariés ont à la fois été confrontés à la pression des objectifs et aux difficultés liées à la crise sanitaire.
Un mardi 8 heures : « Attendez, j’arrive chez le client, rappelez-moi ce soir ». Le soir à 21 heures : « Rappelez-moi, je suis encore au bureau ».
Des horaires inhumains dans les métiers du conseil
Les horaires dans les cabinets de conseil sont souvent loin d’être une promenade de santé. Certes, il y a des avantages comme des journées de récupération, une certaine latitude dans l’organisation et souvent la possibilité de télétravailler partiellement… mais il n’en demeure pas moins que beaucoup de consultants doivent assumer des semaines de 70 à 80 heures réparties sur cinq jours qui se traduisent par des journées de 14 à 16 heures de travail. Il convient pourtant de rappeler que les consultants restent soumis au code du travail ! Pour rappel, les durées maximales de travail sont : 10 heures de travail quotidien, 48 heures de travail hebdomadaire, Moyenne de 44 heures de travail hebdomadaire sur 12 semaines. Les temps de repos obligatoires sont : 11 heures de repos quotidien ; 24 heures de repos hebdomadaire.
Des consultants corvéables à merci
L’objectif principal des consultants est avant tout de donner satisfaction aux clients. Ils doivent tout à la fois assurer la gestion de projets souvent complexes, gérer des processus nombreux mais aussi développer des relations commerciales et participer à la stratégie de l’entreprise. Cela signifie que leur emploi du temps est non seulement chargé mais aussi imprévisible. Beaucoup d’entreprises du conseil demandent ainsi en pratique une disponibilité permanente de leurs équipes pour les demandes de dernière minute de la part des clients. Si chaque nouvelle demande est toujours facturée, la variable d’ajustement c’est le consultant. Tous les salariés ont pourtant le droit à des horaires de travail compatibles avec leurs besoins familiaux et personnels.
Témoignage d’un consultant anonyme : « À la fin d’une journée, vous cumulez 16 heures de travail, en sachant que la situation se répètera le lendemain – dans 8 heures. Et, à l’intérieur de ces 8 heures, vous devez trouver du temps pour vous laver, manger, dormir, prendre soin des vôtres… ».
Le salaire des consultants ne suffit pas
Les salariés sont fatigués. Le problème est particulièrement aigu dans le secteur financier, où les entreprises offrent des rémunérations plus élevées pour tenter de juguler les départs mais la pandémie a aussi appris aux salariés qu’ils peuvent avoir une meilleure qualité de vie. Le niveau de salaire relativement confortable des consultants serait peut-être mieux considéré par les collaborateurs si le rythme de travail était perçu comme moins intense. Il faut en effet relativiser la rémunération par rapport au nombre d’heures produites (et facturées aux clients finaux).
Démission : le turnover, une stratégie toxique
Le modèle de gestion de certaines entreprises et notamment du conseil aggrave la pénurie de main-d’œuvre en dégoutant des profils pourtant bien formés et renforce l’épuisement professionnel. Sur un site de conseil RH on peut lire que « le turnover offre la possibilité de recruter des forces vives, formées à la dernière technologie de pointe ou à un mode de management différent » mais à quel prix ? Ce qu’on oublie de dire c’est que le départ d'un collaborateur d’une équipe déjà « staffée » implique toujours une surcharge de travail et de stress pour les personnes qui restent. Davantage, quand il est question de soumettre volontairement une équipe à un turnover il faut faire partir les collaborateurs devenus indésirables. Pour cela, souvent au lieu de leur proposer des ruptures conventionnelles on dégrade leurs conditions de travail de façon à les inciter à partir d’eux-mêmes dans le cadre d’une démission moins coûteuse qu’un licenciement. En réalité, cette stratégie managériale s’assimile devant les tribunaux à du harcèlement, comme l’explique Maître Françoise de Saint Sernin.
Dans ce climat délétère, les consultants ont intérêt à anticiper et à se protéger, afin que, si rupture il doit y avoir, elle aboutisse favorablement pour eux.