Égalité de traitement : rémunération, conditions de travail que dit la loi ?
Publié leL’égalité entre les femmes et les hommes au travail est un principe essentiel. Alors que les femmes sont plus diplômées (63,5 % d’entre elles ont le baccalauréat, soit 6,8 % de plus que les hommes) l’écart de rémunération en leur défaveur est de 22 % (chiffres INSEE). Quand il est saisi d’une demande au titre de la discrimination salariale et qu’il estime qu’elle est fondée, le Conseil de Prud’hommes ordonne le versement de dommages et intérêts au salarié lésé et peut condamner l’employeur à des sanctions financières pour non-respect de l’égalité de traitement en matière de rémunération.
Le principe : égalité de rémunération entre hommes et femmes
En France, l’article L3221-2 du Code du travail stipule que : « Tout employeur assure pour un même travail ou pour un travail de valeur égale l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. ».
Au sein de l'Union Européenne, la directive sur l'égalité de rémunération entre hommes et femmes prévoit également que les employeurs doivent garantir une rémunération égale pour un travail de valeur égale. La directive interdit toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe en ce qui concerne les conditions de rémunération, y compris les éléments tels que le salaire de base, les primes, les avantages sociaux, etc.
Égalité de traitement : l’absence d’un principe général d’égalité dans l’entreprise
Attention, l’organisation juridique de l’entreprise n’impose pas l’égalité parfaite des salariés. Il peut y avoir une différence de traitement entre deux collègues. Contrairement à l’Administration qui est tenue d’assurer l’égalité des citoyens, des usagers du service public ou celle des fonctionnaires, l’employeur peut donc décider d’opérer des différences de traitement entre salariés. La dimension contractuelle du rapport de travail offre des marges de manœuvre pour permettre l’individualisation des conditions d’emploi et de travail.
L’employeur peut par exemple attribuer des avantages en nature, des stocks options à un salarié. Les différences de traitement peuvent être l’objet du contrat initial entre les parties mais aussi être décidées pendant l’exécution du contrat. Tous les aspects de la relation de travail peuvent faire l’objet de mesures individualisées. L’employeur peut privilégier un salarié en matière de rémunération, formation ou promotion. Sauf discrimination, l’employeur est donc libre de singulariser la situation des salariés.
Égalité de traitement : jurisprudence visant à lutter contre la discrimination salariale
Selon un arrêt du 24 mai 2023 (Cass. soc, 24 mai 2023, n°21-21.902) la Cour de Cassation a jugé que : « L’expérience professionnelle acquise auprès d'un précédent employeur et les diplômes ne peuvent justifier une différence de salaire qu'au moment de l'embauche et pour autant qu'ils sont en relation avec les exigences du poste et les responsabilités effectivement exercées ».
En l’occurrence, deux salariés avaient été embauchés au même moment en qualité de technicien support à des niveaux de rémunération différents pour tenir compte du fait que l’un d’entre eux était plus expérimenté et mieux diplômé. Un an plus tard ils étaient tous les deux promus en même temps dans l'emploi de coordinateur technique avec la même classification et le même salaire.
Quelques mois plus tard, celui qui avait été recruté avec une rémunération supérieure bénéficiait d’une augmentation salariale. L'autre salariée, une femme, arguait d'une inégalité de salaire injustifiée. Elle a été déboutée par la cour d'appel au motif que l'expérience et les diplômes nettement supérieurs du premier salarié en matière d'informatique et de gestion justifiaient l'augmentation de salaire pour celui-ci et donc la différence de traitement. La Cour de cassation casse ce raisonnement : « En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les salariés, engagés en qualité de technicien support avec une différence de rémunération, avaient été promus au mème moment dans l'emploi de coordinateur technique avec la même classification et le même salaire, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ».
On constate donc que si deux salariés ont exactement la même évolution de carrière rien ne justifie de maintenir sur la durée la différence de traitement au motif que l’un des salariés est plus diplômé que l’autre ou disposait avant son embauche de plus d’expérience.
Égalité de traitement : demander la communication des bulletins de salaires d'autres salariés occupant des postes de niveau comparable
Comment prouver une inégalité de traitement en matière salariale ? Dans une décision du 8 mars 2023, pourvoi n° 21-12.492, la Cour de cassation approuve l'arrêt de la Cour d'appel de Paris qui ordonne à l'employeur de communiquer à une salariée les bulletins de salaires d'autres salariés occupant des postes de niveau comparable au sien avec occultation des données personnelles à l'exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle et de la rémunération.
En effet, il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle, notamment au regard du RGPD, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
La possibilité pour les salariés qui s’estiment victime d’une discrimination salariale d’obtenir la production en justice par l’employeur des bulletins de paie de leurs collègues constitue un atout considérable.
Égalité de traitement : les obligations spécifiques des entreprises de plus de 50 salariés
La loi sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes impose aux entreprises de plus de 50 salariés de procéder à des négociations annuelles sur l'égalité professionnelle et de mettre en place des mesures concrètes pour supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.
Depuis 2019, les entreprises françaises doivent également calculer et publier chaque année un index de l'égalité professionnelle. Cet index est basé sur plusieurs critères, dont l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes. Les entreprises versant aux femmes une rémunération inférieure de 25 % par rapport à celle des hommes doivent mettre en place des mesures correctives.
Égalité de traitement : l’entreprise est-elle tenue de verser le 13ème mois à tous les salariés ?
En cas de non-paiement du 13ème mois, le premier réflexe à avoir est de consulter la convention collective applicable pour identifier si le 13ème mois est dû et, à ce moment-là, à tous les salariés. Si tel n’est pas le cas, la Cour de cassation a admis que l’employeur puisse décider unilatéralement de verser une prime de 13ème mois aux seuls cadres de l’entreprise (Cass. soc. 26 sept. 2018 n°17-15.101). Il n’y a donc pas matière à soutenir qu’il s’agirait là d’un usage qui violerait le principe d’égalité de traitement entre les salariés.
Un employeur peut-il accorder le télétravail à un salarié et pas à son collègue ?
Le fait d'accorder le télétravail pour certains salariés et pas pour d'autres peut-il être considéré comme une inégalité de traitement ? Si un employeur autorise certains salariés à travailler en télétravail, mais refuse cette possibilité à d'autres salariés sans justification objective, cela peut être considéré comme une discrimination ou une inégalité de traitement.
L'égalité de traitement est un principe fondamental dans le domaine de l'emploi, et cela inclut le traitement équitable des salariés en matière d'opportunités, d'avantages et de conditions de travail. Au titre du principe de l’égalité de traitement, les salariés en télétravail sont soumis aux mêmes horaires de travail, doivent avoir accès aux informations, aux activités sociales et à la formation professionnelle. Les télétravailleurs doivent bénéficier des mêmes opportunités de déroulement de carrière et des entretiens professionnels.
Égalité de traitement : l’employeur peut-il supprimer les tickets restaurants pour les jours de télétravail ?
Lorsque l'employeur attribue des titres-restaurant à ses salariés, la question se pose de savoir s'il peut en exclure les télétravailleurs au motif qu'ils déjeunent chez eux. S’agit-il d’une mesure contraire au principe d'égalité de traitement ?
Le droit des télétravailleurs au bénéfice des titres-restaurant découle du principe général d'égalité de traitement entre salariés et de la disposition d'ordre public de l'article L1222-9 du Code du travail selon laquelle le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise. C'est ce qui a été confirmé par un jugement du tribunal judiciaire de Paris le 30 mars 2021. Les juges ont estimé que les télétravailleurs, comme les salariés travaillant sur site pendant la pandémie, devaient continuer à bénéficier des tickets restaurant.
Égalité de traitement : l’employeur doit-il prendre en compte le remboursement des abonnements SNCF des salariés qui habitent loin ?
Au titre de l’article L3261-2 : « L’employeur prend en charge, dans une proportion et des conditions déterminées par voie réglementaire, le prix des titres d'abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos ». Mais le coût n’est évidemment pas le même s'il s'agit d'un abonnement à un service de vélo ou d'un abonnement Grand Voyageur. Dès lors, l’employeur peut-il établir une distinction selon le lieu de résidence du salarié, au détriment de ceux ayant choisi de vivre parfois à plusieurs centaines de kilomètres du siège de leur entreprise ? Les textes n'établissent pas de distinction, et la question a inévitablement suscité du contentieux.
En l'absence d'accord collectif, l’article R-3261-1 du Code du travail précise que l'employeur prend en charge 50 % du prix des titres d'abonnement souscrits par les salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et le lieu de travail, accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos. Le 5 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Paris (TJ Paris du 5-7-2022 n° 22/04735) a rendu une décision qui écarte les arguments d'un employeur qui avait refusé le remboursement des frais de transport et qui avait cru pouvoir faire une différence selon la durée de trajet effectuée par le salarié. Le litige concernait donc le refus par l'employeur du remboursement des frais de transport des salariés dont le domicile était situé à plus de deux heures de leur lieu habituel de travail. Pour les syndicats présents dans l'entreprise, il y avait là différence de traitement infondée
En conclusion, malgré des dispositions légales fortes, les inégalités persistent dans de nombreux secteurs professionnels. Les écarts salariaux entre hommes et femmes demeurent préoccupants, tout comme les discriminations liées à l'âge, à la grossesse ou à l'origine ethnique. Il est essentiel de continuer à sensibiliser, à surveiller et à mettre en œuvre des mesures concrètes pour faire respecter l'égalité de traitement dans le milieu du travail. La lutte contre les inégalités persistantes en matière de rémunération et de conditions de travail nécessite un engagement continu de tous les acteurs concernés.