CADRE AVERTI
Combattre les idées reçues sur le harcèlement au travail
Publié leDans l’esprit des salariés, le harcèlement moral est toujours commis par un manager toxique vis-à-vis de ses salariés. Or à présent c’est souvent la direction de l’entreprise qui procède à des techniques de harcèlement visant à provoquer le départ des salariés. Alors que la France vient d’adopter la Convention n° 190 de l’Organisation internationale du travail (OIT) relative à l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, Cadre Averti rappelle que le harcèlement en entreprise n’est pas toujours là où on l’attend.
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Le harcèlement n’implique pas nécessairement de lien hiérarchique
Les résultats de l’Étude Ifop pour la Fondation Jean Jaurès et la Fondation européenne d’études du 25 au 30 octobre 2018 auprès d’un échantillon de 6025 femmes brisent certaines idées reçues selon lesquelles leurs auteurs seraient d’abord des personnes abusant de leur position d’autorité vis-à-vis d’une subordonnée. En effet, dans la plupart des situations testées, seule une minorité de femmes déclare que l’auteur était un supérieur hiérarchique. Plus largement, il apparaît que dans le monde du travail, le danger pour les femmes n’est pas limité aux seuls collègues de travail (supérieurs, égaux ou subordonnés) et encore moins à ceux ayant une position d’autorité. Un nombre conséquent d’agressions sont le fait de personnes externes à l’entreprise (ex : visiteurs, clients, fournisseurs, inconnus...), ce qui implique de lier davantage la problématique du harcèlement au travail aux autres formes de harcèlement et de discriminations.
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Le harcèlement pour discrimination liée à l’âge
Mis de côté, ringardisés, obsolètes, effacés… car trop chers et trop âgés. Afin d’éviter le licenciement des salariés âgés, le législateur impose à l’employeur de tenir compte de leur plus grande vulnérabilité au regard de l’emploi, il s’agit cependant d’obligations assez peu contraignantes comme par exemple le devoir d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Pour de nombreux cadres âgés, le harcèlement prend la forme d’une perte progressive de leurs fonctions et de leurs responsabilités, une « mise au placard » organisée. Las de la placardisation et des brimades, les plus chanceux, après avoir cherché et trouvé un emploi, démissionnent. L’isolement et la difficulté de la preuve de la discrimination dissuadent les victimes de se battre. Avec la lassitude, elles finiront par accepter une rupture conventionnelle avec des indemnités minimum sans prendre en compte l’impact sur leur retraite ou les indemnités chômage.
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Le harcèlement institutionnel implique un harcèlement collectif organisé
Le harcèlement moral institutionnel est une notion qui a été instituée par la Cour de Cassation lors d’un arrêt du 8 juin 2018. Il vise à désorganiser le lien social touchant l’ensemble du personnel, portant atteinte à la dignité des personnes et a pour effet de dégrader les conditions de travail (management par le stress, par la peur). En 2019, au sein de France Telecom les juges ont également reconnu une technique « visant à déstabiliser les salariés, à créer un climat anxiogène et ayant eu pour objet et pour effet une dégradation des conditions de travail ». Ce harcèlement « stratégique » désigne les procédés mis en place par le top-management pour détériorer exprès les conditions de travail des collaborateurs dont il entend se séparer (notamment les plus âgés), pour inciter ces derniers à prendre l’initiative de la rupture de leur contrat de travail, ce qui évite de leur payer des indemnités de licenciement qui peuvent être lourdes quand ils ont de l’ancienneté.
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Le harcèlement moral démissionnaire : quand l’employeur pousse le salarié à la démission
Le harcèlement moral démissionnaire est l’appellation imagée de la technique managériale qui consiste à dégrader exprès les conditions de travail d’un salarié pour provoquer son départ à moindre coût. Comme le rappelle sur le site de Liaisons Sociales, Françoise de Saint-Sernin, avocate associée du Cabinet Saint-Sernin et responsable du site internet Cadre Averti : « Pour se protéger contre le harcèlement démissionnaire, le salarié doit savoir ce que c’est et pouvoir en identifier les signes. Très souvent, il ne peut imaginer être manipulé de mauvaise foi par l’employeur et s’épuise à se justifier au détriment de sa santé. Quand il est convaincu du harcèlement, il doit le dénoncer officiellement par écrit, en écrivant les termes « harcèlement moral » ».
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Le salarié qui dénonce une situation de harcèlement est protégé par la loi
Totalement accablé, le salarié hésite à saisir la justice. Pourtant, les salariés ne doivent pas avoir peur de faire appel au Conseil des Prud’hommes. Il faut en revanche se méfier des dénonciations faites sur les réseaux sociaux qui peuvent se retourner contre les salariés. Le fait de dénoncer le harcèlement officiellement et de saisir le Conseil des Prud’hommes, permet de bénéficier d’une protection efficace. En effet, si un salarié est licencié à la suite de sa dénonciation et que le Conseil des Prud’hommes constate que le licenciement est la conséquence des faits de harcèlement ou de discrimination dénoncés, le licenciement sera annulé, avec obligation pour l’employeur de réintégrer le salarié si ce dernier le réclame. Comme la procédure prud’homale est longue, l’employeur sera alors tenu de payer le salaire qui aura couru entre le jour de l’expiration du contrat de travail et le jour de la réintégration, soit plusieurs années de salaire (après déduction des revenus de remplacement). Si le salarié ne demande pas sa réintégration il touchera du fait de la nullité du licenciement une indemnité minimum de 6 mois de salaire sans limitation concernant le maximum. En effet, le barème Macron ne s’applique que pour le licenciement abusif et non pas pour le licenciement nul : le salarié pourra ainsi toucher une indemnisation appropriée à son véritable préjudice.
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À propos de Cadre Averti
Conçu par Françoise
de Saint Sernin, avocate spécialisée dans la défense des
intérêts des cadres et dirigeants au sein du cabinet saintsernin-avocats.fr,
Cadre Averti a pour ambition de
répondre aux premières interrogations de salariés confrontés à un aléa de carrière. Ce site propose
ainsi un grand nombre de fiches techniques permettant immédiatement de
comprendre les enjeux d’un dossier et de se repérer dans le maquis des textes.