Attention au profil LinkedIn en justice en cas de conflit avec l'employeur
Publié leDans une affaire du 30 mars 2022, la Cour de cassation (Cass. soc., 30 mars 2022, n° 20-21.665) admet qu'un extrait du profil LinkedIn d'un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse puisse être produit par son ex-employeur pour limiter le montant des dommages et intérêts qu'il doit lui verser.
Une salariée a été licenciée pour insuffisance professionnelle le 10 septembre 2014, soit avant l’application du barème Macron avec donc la possibilité d'obtenir des dommages et intérêts fixés en fonction de son préjudice réel (et non pas cantonnés à un maximum de 2 mois de salaire selon le barème Macron puisqu'elle avait une ancienneté de moins de 2 ans). Elle a décidé de contester son licenciement devant la juridiction prud’homale. La Cour d’appel de Versailles s’est prononcée en faveur de la salariée licenciée en reconnaissant que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse mais en fixant son indemnisation à 10000 euros. Pour limiter l’indemnisation de son préjudice, les juges ont en effet pris en compte le profil LinkedIn de la salariée versé aux débats par l’employeur selon lequel elle aurait retrouvé un nouvel emploi un mois après son licenciement.
Une mauvaise interprétation du profil LinkedIn !
Très justement, la salariée a contesté devant la Cour de Cassation la limitation du montant de ses dommages et intérêts alors que son licenciement avait été jugé abusif. La salariée avait versé aux débats une attestation délivrée par Pôle emploi de ses périodes d'inscription en continu comme demandeur d'emploi du 19 novembre 2014 au 18 mars 2018 mais la Cour d'appel de Versailles avait décidé de prendre en compte le profil Linkedin de la salariée communiqué par l'employeur selon lequel elle avait retrouvé un emploi un mois après son licenciement et n'avait donc pas de préjudice. La Cour de cassation a jugé que l’analyse relative aux éléments rapportés sur LinkedIn était erronée. En effet, la salariée n’avait pas retrouvé un emploi mais réalisé une étude et effectué des démarches en vue de la reprise d’une entreprise. Les mentions publiées par la salariée faisaient état de : « négociations commerciales et promesses d'achat avec les cédants, études des bilans comptables, études de marché, réalisation du business plan, dépôt et présentation du projet auprès des organismes bancaires ». Au regard de cette analyse, il a donc été constaté que la Cour d’appel avait dénaturé le contenu des preuves LinkedIn.
Une décision préoccupante : personne ne va indiquer sur Linkedin qu’il est au chômage !
En l'occurrence, si la salariée a gagné, c'est parce que son profil LinkedIn reflétait la réalité de sa situation, soit une occupation plutôt qu'un nouvel emploi. Mais que se serait-il passé si elle avait enjolivé son profil en ligne, mentionnant une activité professionnelle en réalité inexistante ? Face à ce mensonge, la production des relevés pôle emploi démontrant que la salariée était en réalité au chômage n'aurait sans doute pas été prise en compte. Or LinkedIn est le réseau social qui permet aux personnes en recherche d'emploi de se positionner professionnellement et ainsi d'attirer des recruteurs, mais à la condition surtout de ne pas apparaître comme demandeur d'emploi. La Cour de Cassation aurait dû préciser que l'on ne peut pas se fier à un profil LinkedIn qui par définition est une vitrine pour le salarié qui cherche un emploi et que ce sont les éléments concernant sa véritable situation, relevés Pôle emploi ou autres justificatifs de revenus qui doivent être pris en compte pour l'évaluation du préjudice résultant du licenciement abusif
Le profil LinkedIn du salarié est une preuve recevable dans un conflit Prud'homal
La preuve provenant d’un profil public sur Linkedin peut être finalement recevable. Les salariés doivent donc être prudents quand ils publient sur les réseaux sociaux alors qu'ils sont en conflit avec leur employeur ou ancien employeur. Présentation flatteuse oui - mensonge caractérisé non. Ils doivent conserver les éléments qui leur permettront de justifier de leur véritable situation à l'époque.