Arrêt maladie mentionnant « burn-out » : le médecin doit-il être sanctionné ?
Publié leDans un contexte où le coût des indemnités versées aux salariés en arrêt maladie sont en hausse, une série de mesures sévères visent à contrôler et sanctionner les médecins accusés de délivrer des arrêts de travail abusifs. Cependant, une décision récente du Conseil d'État datant du 28 mai 2024 semble alléger cette pression, comme le commente Cadre Averti.
Les mesures contre les praticiens se déclinent en plusieurs points :
Tout d’abord, les médecins se voient imposer un « quota » d'arrêts de travail à ne pas dépasser par rapport à la moyenne de leurs pairs. Ceux qui excèdent ce quota sont contraints de réduire leurs prescriptions et risquent des sanctions financières en cas de non-respect.
De plus, interdiction est faite au médecin de faire le lien entre ses conclusions médicales et l’environnement professionnel. Par exemple, il leur est interdit de faire référence au terme « burn-out », synonyme de « syndrome d’épuisement professionnel ». En utilisant ce diagnostic, le médecin va au-delà de la simple description des symptômes pour attribuer la cause de la maladie aux conditions de travail. Cela engage la responsabilité de l'employeur, sans possibilité pour le médecin de vérifier les dires de son patient, faute d'accès à l'entreprise et de contact avec sa direction.
Quelles sanctions pour le médecin qui mentionne « burn-out » sur un arrêt de travail ?
Lorsqu'un médecin inscrit le terme « burn-out » sur un arrêt de travail, il s'expose à des sanctions potentielles, notamment de la part de l'employeur qui peut le traduire devant le Conseil de l'Ordre des médecins, conformément à l'article R4127-28 du Code de la santé publique. Celui-ci dispose que la délivrance de rapports tendancieux ou de complaisance est interdite.
Le fait pour un médecin de faire le lien entre la maladie et les conditions de travail constituerait donc un « rapport tendancieux » ou un « certificat de complaisance », puisque reposant sur les seules déclarations du patient. De plus, si le dossier médical du patient est utilisé comme preuve devant le Conseil de Prud’hommes et qu'il contient des correspondances entre médecins critiquant les conditions de travail, l'employeur peut poursuivre ces médecins devant leur Ordre pour les faire sanctionner pour des avis considérés comme des rapports tendancieux.
Certes, la première fois, le médecin ne s’exposera probablement qu’à un avertissement. Mais la crainte de sanctions plus lourdes en cas de récidive, l’entravera dans l’exercice de sa profession, surtout s’il s’agit d’un psychiatre spécialisé dans la souffrance au travail.
Le Conseil d’état annule la sanction infligée à un médecin pour avoir mentionné « burn-out » sur un arrêt de travail
Dans ce dossier, le médecin traitant d’un salarié avait mentionné « burn-out » sur un avis de prolongation d’arrêt de travail. Le salarié ayant produit cette pièce médicale dans le cadre de sa procédure prud’homale, la réaction de l’employeur a été de déposer plainte devant le Conseil de l’Ordre des médecins. Le médecin traitant a été doublement condamné, d'abord par la chambre disciplinaire départementale, puis par la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, au motif qu’il « ne pouvait se fonder sur les seules déclarations de Monsieur A. indiquant que son stress et son angoisse trouvaient leur origine dans son activité professionnelle sans disposer de l’analyse de ses conditions de travail émanant notamment du médecin du travail. »
Pour le Conseil d’état au contraire, le fait que le médecin ait constaté « l’existence d’un syndrome d’épuisement professionnel (burn-out), sans disposer de l’analyse des conditions de travail du salarié émanant notamment d’un médecin du travail, ne saurait caractériser l’établissement d’un certificat tendancieux ou de complaisance ». La sanction a donc été annulée. Toutefois, l’affaire a été renvoyée devant la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins pour être à nouveau jugée. Il faut donc attendre pour avoir une position définitive.
Il est probable que la décision finale suive les recommandations du rapporteur public, M. Chambon, suggérant que le médecin puisse lier la maladie aux conditions de travail tant qu'il se limite à exprimer les ressentis de son patient, sans accuser directement l'employeur et prendre parti.
Alerte sur la diminution des arrêts maladie : une hausse cachée des maladies graves
Dans un climat où les médecins font face à des pressions grandissantes concernant les arrêts maladie, il est crucial d'analyser les statistiques pour saisir la réalité sous-jacente. Un récent rapport de « décideur-magazine » met en lumière une tendance alarmante : malgré une apparente baisse de l'absentéisme, les maladies graves connaissent une progression inquiétante.
Alors que les données indiquent une diminution des arrêts maladie, les maladies elles-mêmes sont en augmentation. En effet, bien que le taux d'absentéisme soit revenu à 5,6 % en 2023, contre 5,64 % en 2022, cette baisse ne traduit pas une amélioration globale de la santé des travailleurs.
Une enquête croisée menée par l'IFOP et Diot Siaci met en évidence des disparités significatives : le taux d'absentéisme des moins de 25 ans est de 3,10 %, tandis que celui des plus de 55 ans atteint 6,8 %.
Par ailleurs, le rapport révèle une explosion des arrêts de longue durée. Alors que le taux d'absentéisme global semble diminuer, le nombre d'arrêts dépassant 90 jours a atteint un niveau record, représentant près de la moitié de toutes les absences.
De surcroît, les troubles psychologiques sont devenus la principale cause d'arrêt de travail, totalisant plus de 3 millions de jours d'absence en 2022. Ces arrêts sont d'autant plus préoccupants financièrement qu'ils sont en moyenne plus longs et touchent plus fréquemment les cadres aux salaires plus élevés.
Pour conclure, il faut cesser d'exercer des pressions sur les médecins. La baisse des arrêts maladies ne doit pas masquer l’augmentation des maladies notamment les « burn-out » et autres troubles psychologiques, qui affectent les salariés âgés, en raison de la spécificité française qu’est la discrimination vis-à-vis des seniors.